Comment on devient Bob Woodward

Publié le 19 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

S’il n’est pas le plus grand journaliste américain des dernières décennies, Bob Woodward est certainement le plus connu et le plus « chanceux ».
Il a raconté récemment que si son enquête pour le Washington Post en 1972 et 1973 a abouti à contraindre le président Richard Nixon à la plus déshonorante des démissions, c’est qu’il avait eu la chance de se lier d’amitié bien des années auparavant avec Mark Felt, haut dirigeant du FBI.
Gravement offensé par Nixon, Felt avait décidé – seul et dans le secret le plus absolu – de devenir « Gorge profonde », d’utiliser la presse (et singulièrement son ami Woodward) pour « descendre » le président des États-Unis, qui s’était aventuré dans une sombre affaire de vol de documents avec effraction, le futur « scandale du Watergate ».

Mais comment Woodward est-il devenu journaliste et, surtout, comment a-t-il pu entrer au Washington Post ? Il vient d’en faire le récit avec simplicité et talent. Ci-dessous, pour ceux d’entre vous qui s’intéressent à la presse, s’interrogent sur la manière dont elle fonctionne et la fascination qu’elle exerce, le récit des premiers pas d’un futur grand journaliste :

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« En août 1970, je n’avais plus aucune obligation militaire, raconte Bob Woodward. Je m’étais abonné au Washington Post, dont le directeur de la rédaction était Ben Bradlee, un homme de talent qui alliait l’exigence au dynamisme. Il y avait dans le Post une rigueur et une précision qui me plaisaient beaucoup. Il me semblait dans le ton de l’époque, et donnait à penser que le monde était tout autre chose qu’une faculté de droit. Le journalisme était peut-être un métier pour moi.
Dans les démarches que j’avais entreprises pour me préparer un avenir, j’avais écrit au Post pour faire acte de candidature. Pour des raisons que j’ai oubliées, Harry Rosenfeld, le responsable de la politique intérieure, accepta de me recevoir. Je le revois me regardant à travers ses lunettes. Pourquoi, se demandait-il, voulais-je faire du journalisme ? Je n’avais pas la moindre expérience. Pourquoi le Washington Post engagerait-il un garçon sans expérience ? Mais, dit finalement Rosenfeld, c’était assez absurde pour que cela vaille la peine d’essayer : « Vous ferez un essai de quinze jours. »

Quinze jours plus tard, j’avais écrit peut-être une douzaine d’articles ou de fragments d’articles. Aucun n’avait été publié, et n’avait même eu la moindre chance de l’être.
« Vous voyez, dit Rosenfeld, vous ne savez rien faire. »
Fin de l’essai.
Mais je sortis de son bureau plus enthousiaste que jamais. L’essai n’avait pas été concluant – c’était même un bide complet – et, pourtant, j’avais découvert quelque chose qui me passionnait. La fascination de l’actualité s’imposait à moi, et je me fis engager au Montgomery Sentinel, où, selon Rosenfeld, je pouvais apprendre le métier. J’expliquai à mon père qu’il n’était plus question de la faculté de droit et que j’allais travailler pour 115 dollars, ou peut-être 95, par semaine dans un hebdomadaire du Maryland. « Tu es complètement fou », me dit mon père. Ce fut une des rares occasions où il se montra catégorique avec moi.
J’appelai aussi Mark Felt, qui, de manière moins abrupte, m’indiqua que ce n’était pas raisonnable. Les journaux, selon lui, c’est léger et superficiel. Ils ne creusent pas, ils ne vont pas au fond des choses. Tant pis : moi, j’étais conquis. Peut-être pourrait-il m’aider pour mes articles.
Si mes souvenirs sont bons, il ne me répondit pas.
En août 1971, un an après mon essai raté, Rosenfeld décida de m’engager. Je fis mes débuts au Post le mois suivant. »

Le parcours exceptionnel de Woodward confirme que pour réussir en journalisme – comme partout ailleurs -, il faut des prédispositions pour ce métier.
Il faut ensuite de la chance, beaucoup d’application et encore plus de travail.

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