Amidou

Comédien marocain

Publié le 19 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Il reçoit dans sa loge du Théâtre Montparnasse. Confortablement calé dans un canapé. Pas loin, un cigare éteint. Sur la coiffeuse, une pomme. S’il l’on exclut Le Piston, one-man show qu’il avait monté à la fin des années 1990, il y a belle lurette que l’on n’avait pas vu Amidou Ben Messaoud, aujourd’hui 60 ans et des poussières, sur scène.
1962, la toute première pièce du réalisateur Mehdi Charef, qui évoque le départ des derniers pieds-noirs d’Algérie, marque le retour du comédien d’origine marocaine au théâtre. Ironie du sort, elle le plonge aussi dans son passé et lui rappelle ses débuts sur les planches parisiennes. Nous sommes au milieu des années 1960. Amidou vient tout juste de sortir du Conservatoire de Paris, où il s’est inscrit sur les conseils avisés de l’acteur Bernard Blier, qui disait de lui : « Ce garçon est plus drôle que la vie. » Très remarqué par le jury lors de son examen de fin d’études, il est aussitôt admis comme pensionnaire au Théâtre de l’Odéon, à l’époque dirigé par Jean-Louis Barrault. Alors qu’il y répète un petit rôle de figurant, arrive Jean Genet, qui le remarque et le choisit immédiatement pour incarner Saïd dans Les Paravents. Sami Frey, qui répétait déjà le rôle, sera remercié, nous apprend-il fièrement. Pièce antimilitariste évoquant la guerre d’Algérie, Les Paravents sera jugée « antifrançaise » par certains et fera scandale à l’époque. Les réactions seront si violentes que le Théâtre de l’Odéon, où on la joue, est protégé par un service d’ordre. Ce qui n’empêchera pas Amidou de recevoir sur le nez « une pomme de terre truffée de rasoirs » dont il garde encore aujourd’hui une cicatrice indélébile.

Pour Amidou, interpréter Tahar, serviteur fidèle chez un couple de colons, dans la pièce de Mehdi Charef, c’est replonger dans une période douloureuse de l’Histoire. « J’ai l’impression que 1962 est une continuité des Paravents. J’ai trouvé le même fond chez Saïd, 22 ans, et Tahar, qui est un patriarche », confie-t-il ému. Après l’immense succès théâtral de la pièce de Genet, il est accaparé par le cinéma. C’est Claude Lelouch, avec qui il collabore depuis 1960, qui lui offre son premier grand rôle dans La Vie, l’amour, la mort en 1969. Amidou deviendra ensuite l’acteur fétiche du réalisateur d’Un homme et une femme. Ensemble, ils tourneront pas moins de quinze films !
S’il reste fidèle à celui grâce à qui il a fait ses premiers pas au cinéma, Amidou n’en mènera pas mois une carrière internationale qui lui vaudra une filmographie comptant plus d’une cinquantaine de longs-métrages. Citons entre autres Otto Preminger (Rosebud, 1975) ou Mohamed Tazi (Lalla Hobi, 1996), ou encore Tony Scott qui lui propose de jouer dans Spy Game en 2001. « J’étais sur le même plateau que Robert Redford et Brad Pitt », raconte fièrement celui qui n’avait que 5 ou 6 ans lorsqu’il rêvait déjà de devenir comédien, au grand désespoir de son père, juge de paix de son état. Comment lui est venue cette vocation ? Il n’en a pas la moindre idée. « J’adorais aller au cinéma voir les westerns et les productions américaines. J’attendais avec impatience le vendredi, jour de sortie des nouveaux films, et je me régalais d’autant plus qu’à l’époque mon oncle était propriétaire de plusieurs salles à Rabat », se souvient Amidou. « Aussi loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours fait le pitre à la maison. En classe, j’étais un élève dissipé. Je n’étais bon qu’en récitation et, quand je mimais les fables de La Fontaine, ça amusait tout le monde », poursuit-il.

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Il a beau avoir plus de quarante ans de carrière derrière lui, Amidou est tout sauf blasé. Il a encore des rêves et des déceptions plein la tête. Il attend avec impatience la sortie d’Argane, le dernier film qu’il a tourné sous la houlette de Hassan Ghanja. Il rêve de jouer Iago dans l’Othello de Shakespeare parce qu’il aime « ces personnages qui ont une double personnalité ». Il ne cache pas être déçu, voire même « froissé » du manque d’intérêt des Arabes pour une pièce comme 1962. « Tous les soirs, je les cherche dans la salle, je ne les trouve pas. Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas motivés », s’étonne Amidou. Et puis, bien entendu, il a encore cette peur au ventre avant de monter sur scène. D’ailleurs, il cite Jouvet répondant à un de ses élèves qui se demandait pourquoi il n’avait pas le trac : « Attendez d’avoir le talent et vous aurez le trac ! »

1962, de Mehdi Charef, Théâtre Montparnasse,
31, rue de la Gaîté, Paris 75014.

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