Trêve sociale ?

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

« L’Algérie se trouve au milieu du gué, analyse Abdessalam Bouchouareb, ancien président du Conseil national économique et social (Cnes) et proche collaborateur d’Ahmed Ouyahia, Premier ministre et patron du Rassemblement national démocratique (RND). Nous ne sommes pas tout à fait sortis de l’économie dirigée, et encore moins entrés de plain-pied dans l’économie libérale. » Autrement dit, ce pays est tenu d’accélérer son processus de réformes s’il ne veut pas voir le retard qu’il accuse par rapport à ses voisins immédiats prendre des allures de gouffre. Le problème est que ces réformes n’enthousiasment pas tout le monde, les uns frileux car angoissés par les incertitudes, résultat de toute politique de changement, les autres jaloux de quelques parcelles de monopoles menacées par une économie ouverte et mieux structurée.

L’élection présidentielle du 8 avril a eu d’indéniables répercussions sur la scène politique, économique et sociale. Avant même le scrutin, le candidat Bouteflika disposait déjà du soutien indéfectible de la centrale syndicale, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), et de celui du patronat, ou plutôt des nombreuses organisations patronales. Dans le programme électoral de « Boutef », une promesse : la signature d’un pacte économique et social. De quoi s’agit-il ? Le candidat préconisait une période de paix sociale durant trois ans, le temps de mettre à niveau l’économie algérienne, d’achever le processus de désengagement de l’État de la vie économique et de parvenir, enfin, au changement de statut de l’entreprise. Les partenaires sociaux ayant adhéré au programme de Bouteflika, les discussions autour de l’élaboration et de la signature de ce pacte devraient, logiquement, n’être qu’une formalité. Pourtant, rien n’est acquis.
Bien que l’UGTA adhère à l’idée, elle ne semble pas prête à jouer le rôle de simple faire-valoir. Si la centrale n’affiche pas d’hostilité aux réformes, elle tient à avoir plus de visibilité sur la manière dont elles vont être menées, et sur leur coût social. Le syndicat entend défendre le pouvoir d’achat des travailleurs et revendique une augmentation de 50 % du salaire minimum garanti avant 2006, c’est-à-dire en pleine période de la trêve demandée par Boutef.
De son côté, le patronat se prépare également à négocier ce pacte au mieux de ses intérêts : le problème des pesanteurs fiscales, celui du foncier industriel ou encore de la protection de la production nationale. Sur ce dernier point, le patronat algérien, qui tente de s’organiser sur le mode du Medef (Mouvement des entreprises de France), n’a aucune chance de convaincre le gouvernement Ouyahia. Des mesures protectionnistes figeraient davantage l’économie et ne sont pas compatibles avec le processus d’accession du pays à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

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Les membres de l’équipe chargée par le Premier ministre d’élaborer un avant-projet de pacte seront privés de plage cette année. Le document doit impérativement être fin prêt pour la troisième semaine de septembre, durant laquelle doit se tenir la rencontre tripartite. Les négociations promettent d’être longues et harassantes pour les participants, et lassantes pour l’opinion. Romantique, Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’UGTA, rêve que la signature de ce pacte puisse se faire le 24 février 2005, coïncidant avec l’anniversaire de l’Union. D’autres, plus prudents, avancent l’échéance du 30 juin 2005. Les pourparlers s’annoncent donc difficiles – le Premier ministre et le patron de l’UGTA ont tous deux une réputation d’infatigables négociateurs – mais l’Algérie ne dispose plus de joker. L’échec serait une catastrophe. La promesse présidentielle de créer deux millions d’emplois n’est pas en soi insurmontable pour un pays qui dispose de richesses et d’un potentiel humain comme ceux de l’Algérie. Mais cette performance ne sera possible qu’avec l’assainissement de l’environnement des entreprises, lui-même subordonné au processus de réformes. « Cessons de nous faire peur ! » affirme Abdessalam Bouchouareb pour balayer la frilosité et les appréhensions que provoque la mise en oeuvre de réformes de deuxième génération. Une trêve sociale de trois ans, des objectifs économiques clairs avec un calendrier précis et une meilleure visibilité pour les partenaires sociaux. Si tel est le résultat d’un pacte, alors vivement le pacte !

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