Racistes, les Maghrébins ? (suite)

Nos enquêtes au Maroc (n° 2266) et en Tunisie (n° 2270) suscitent encore de nombreuses réactions.

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 4 minutes.

C’est la faute à la presse
C’est l’attitude de la presse marocaine qui est vraiment déplorable. Elle n’hésite pas à publier de fausses informations sur les Subsahariens, telle l’affaire du cannibalisme imaginée par un journal de la place. Il serait souhaitable que d’autres connaisseurs du monde maghrébin fassent comme vous pour éclairer le monde sur ce qui se passe dans ces pays.

Tout vient des clandestins
Je suis stupéfait par l’article sur le supposé racisme généralisé au Maroc. Un tel article n’est pas digne d’un journal qui se veut intelligent comme Jeune Afrique. Vous semblez ignorer que le Maroc, à commencer par la monarchie, est un pays métissé depuis des millénaires. Si votre fameux témoin a des griefs personnels contre le Maroc, c’est son problème, mais son séjour prolongé et volontaire au pays des racistes semblerait indiquer que ce monsieur n’y rencontre pas de problème particulier malgré sa négritude.
C’est vrai que les Marocains ont des comptes à régler avec un certain nombre de pays africains qui soutiennent la pseudo République sahraouie. Reste aussi la situation des clandestins avec leurs problèmes économiques et, pourquoi le nier, médicaux, qui commencent à inquiéter. Ce n’est pas en diabolisant les Marocains que vous arriverez à régler ce problème, mais en expliquant pourquoi les dirigeants de ces pays africains laissent leurs pays s’enfoncer chaque jour dans l’anarchie, la misère, la guerre civile et poussent leur population à l’émigration clandestine, à la clochardisation dans les métropoles européennes et à la prostitution.

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Clair comme de l’eau de roche
J’ai été choqué de lire des affirmations telles que « J.A.I. irresponsable et indigne ». Elles m’ont rappelé un vieil adage : « Qui se sent morveux se mouche. » Je ne suis jamais allé au Maroc et ne peux donc apprécier la véracité des allégations de Zoubeïrou Maïga. Cependant, il est clair comme de l’eau de roche que l’aspiration démesurée des Marocains à devenir européens s’apparente à un rejet de l’Afrique tout entière. Une telle aspiration, au niveau individuel, pourrait amener à des comportements que dénonce l’auteur du témoignage.

De l’ignorance avant tout
Jeune citoyen marocain, ma première réaction vis-à-vis de l’article de Zoubeïrou Maïga a été l’indignation. Cependant, après réflexion, je trouve que l’article, même s’il est un peu abusif, n’en demeure pas moins révélateur. Il existe bel et bien une certaine forme de racisme au Maroc, mais un racisme pas méchant voire involontaire qui relève surtout de l’ignorance. Faites un sondage et demandez aux Marocains ce qu’est le racisme : vous serez étonnés du résultat. Peu de gens qualifieront de racistes des propos comme « khel », « chocolat »…

Le Noir est inférieur, point !
Racistes, les Marocains ? Mille fois oui. Le problème, c’est qu’ils ne savent pas qu’ils le sont. Ils considèrent que le Noir est inférieur, un point c’est tout. Étant moi-même Marocain noir, je peux vous confirmer que les Noirs sont aimés, respectés tant qu’ils sont gentils, et ils le sont. Mais ils n’ont pas à aspirer à l’égalité des chances. Ils sont une petite minorité. La plupart sont illettrés et ne demandent jamais rien à personne. Ils vivent cette fatalité avec résignation. Moi qui ai beaucoup voyagé aux États-Unis et en Europe, j’étais beaucoup plus respecté dans ces pays que dans le mien.
Demander aux Marocains de ne pas être racistes, c’est aussi ignorer la culture marocaine qui bannit tout ce qui est noir : corbeau, chien, chat, bouc, coq, etc.

Un ambassadeur noir ? Jamais
Dire que le racisme anti-Noir n’existe pas en Tunisie relève de l’hypocrisie. Le racisme existe mais il n’est pas méchant jusqu’à la xénophobie maladive.
Le mariage entre Noirs et Blancs est un fait rarissime et tabou. Si mon fils voulait un jour se marier avec une Noire, je serais mal à l’aise et même indigné, sa mère serait malade et scandalisée, et notre famille serait la risée de notre entourage. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais c’est comme ça. Pourtant, je suis musulman pratiquant et ouvert. C’est plus fort que moi. Peut-être les séquelles des anciennes relations maître-esclave dans notre famille – je suis natif de l’île de Djerba et mon arrière-grand-père possédait des esclaves achetés à Tozeur pour le travail des champs.
En dépit de mon âge – j’ai 58 ans -, je n’ai jamais vu un ministre, un haut responsable d’État ou un diplomate de race noire. J’ai retenu une anecdote concernant feu Bourguiba, le premier président de la Tunisie. Afin de désigner un ambassadeur dans une capitale européenne, son ministre des Affaires étrangères lui présenta un catalogue avec des portraits. À la vue de la photo d’un Noir, Bourguiba sursaute et s’exclame : « Leur envoyer un Noir là-bas ? Que diront-ils : en Tunisie, ils vivent avec les éléphants, les singes… Jamais ! Jamais ! »

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Un phénomène minoritaire
Je n’arrêterai pas de lire un si magnifique journal même si une série d’articles m’a un peu choqué. Si un correspondant au Maroc a exagéré en mettant quelques termes affectifs envers les Noirs dans un dictionnaire des mots racistes. « Kahlouch », par exemple, est un terme qu’on emploie entre amis, un terme amical, que les Noirs acceptent en riant. Je ne cesserai pas de parcourir les pages de L’intelligent même si vous avez fait une enquête sur le Maghreb, et que vous avez oublié d’en faire autant dans toute l’Afrique. J’aimerai toujours lire les infos de L’intelligent, même si vous avez généralisé ce phénomène, que vous avez poussé le bouchon un peu loin. Je suis sûr que le racisme au Maghreb est un phénomène minoritaire – qu’il ne faut pas nier – mais je suis également convaincu que le racisme est un mal dont souffre chaque pays et chaque région du monde.

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