Pour un droit de veto collectif

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Ceux qui réfléchissent en termes d’avenir admettront qu’un monde totalement unipolaire est ingouvernable. Quand le temps du multilatéralisme sera revenu et que le réalisme politique prévaudra, on se préoccupera de la réforme du Conseil de sécurité afin de rendre à cet organe essentiel des Nations unies les prérogatives qui lui incombent dans le rétablissement de la paix et de la sécurité entre les nations.
La question n’est pas nouvelle, et l’on sait que, dans le cadre des travaux de l’Assemblée générale des Nations unies, un groupe de travail à composition non limitée, c’est-à-dire ouvert à tous les États membres, avait entrepris en 1993 de présenter à l’organisation un projet de réforme. Dix ans de discussions intenses n’ont pas permis d’aboutir à une entente entre les 191 pays. Les événements internationaux de ces dernières années n’ont guère aidé cette entreprise.

Le Conseil de sécurité est anachronique dans sa forme actuelle parce qu’il a été institué à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour consacrer la paix des vainqueurs. Soixante ans après, nous nous trouvons dans un monde et un paysage international nouveaux et complexes qui requièrent de sérieux ajustements.
La finalité d’une réforme devrait être tout d’abord une orientation démocratique au sein du Conseil. Aujourd’hui, il est dominé par les cinq permanents (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) qui disposent du droit de veto. Au surplus, quatre des cinq, hors la Chine, représentaient en 1950 36 % de l’humanité. En 2003, cette proportion n’est plus que de 8 %. Les dix autres membres, dits « élus », le sont pour deux ans et n’ont aucune prise sur les « P5 » qui, ensemble ou séparément, pratiquent la loi du plus fort. On comprend dès lors que la communauté internationale revendique un Conseil de sécurité réformé pour traduire les réalités du monde d’aujourd’hui et incarner une nouvelle légitimité.
La taille du Conseil devrait refléter une véritable représentation des pays en voie de développement et tenir compte du rôle croissant d’autres pays industrialisés. Outre une représentation géographique équitable, le poids de la contribution financière et politique de certains États industrialisés est à considérer. C’est par exemple le cas du Japon et de l’Allemagne. L’Afrique revendique deux sièges permanents. L’Inde et le Brésil clament, avec quelques bonnes raisons, ce droit. Si bien que nous évoluons, dans cette configuration, vers un Conseil de 24 à 26 membres : une dizaine de permanents et une quinzaine d’élus. C’est une équipe parfaitement gérable, où il faudrait cependant modifier le mécanisme redoutable et inacceptable qu’est le veto.
Des suggestions ont été faites pour supprimer ou limiter les dégâts de ce droit redoutable. C’est ainsi que l’on a proposé « un engagement unilatéral ou collectif à ne pas exercer le droit de veto » ou bien « une modération dans le recours à cette procédure ». Une récente proposition (française) réclamait le non-recours au droit de veto dans les cas de génocide. Mais ces propositions ont plus un caractère moral ou philosophique que juridique et réglementaire.
Dans la mesure où il existe un pacte entre les cinq permanents actuels pour que le droit de veto fasse partie en quelque sorte de leur souveraineté, et l’on sait qu’ils n’y renonceront pas, il faut imaginer, pour hâter la réforme, une amélioration des conditions de cette prérogative. Dans la perspective d’un Conseil élargi, c’est le veto unique qui devrait être aboli. Pour qu’une résolution soit repoussée, il faudrait qu’il y ait au moins trois vetos de membres permanents. Cette proposition a l’avantage du réalisme et permet de tempérer pour quelque temps la pratique du niet, en attendant sa suppression définitive.

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La mise en oeuvre d’une réforme du Conseil de sécurité dans des délais raisonnables requiert certes un accord au sein des groupes géographiques pour les nouveaux permanents comme pour les membres élus. Mais une fois d’accord à l’intérieur de nos propres familles, nous devons nous dire que c’est avec les P5 qu’il faut réactiver ce travail. Certains d’entre eux sont réceptifs. Une première évolution a marqué la fin de l’administration Clinton, et Richard Holbrooke, alors représentant américain auprès des Nations unies, avait effectué un travail remarquable. Il serait conforme à l’esprit empirique des Américains qu’ils reprennent les discussions là où elles en étaient restées dès que la situation internationale aura pris un cours plus raisonnable.

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