Pierre-Richard Prosper

Ambassadeur itinérant des États-Unis pour les crimes de guerre

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Avant de devenir diplomate, Pierre-Richard Prosper, 41 ans, a été un homme de loi. Ce fils d’immigrés haïtiens, diplômé du Boston College, a fait ses premiers pas à Los Angeles dans la lutte contre les cartels de la drogue. Son arrivée, en 1996, comme procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) marque un tournant dans sa vie. Après quatorze mois de procès, il obtient la première condamnation d’un génocidaire. Nommé par le président George W. Bush ambassadeur itinérant des États-Unis pour les crimes de guerre, il se bat depuis trois ans pour empêcher un nouveau génocide en Afrique. Aujourd’hui, si le monde se mobilise pour les victimes du Darfour, au Soudan, c’est un peu grâce à lui. Mais derrière l’humanitaire, l’homme politique n’est jamais bien loin…

Jeune Afrique/l’intelligent : Y a-t-il un génocide au Darfour ?
Pierre-Richard Prosper : Selon plusieurs rapports remis par des observateurs, on tend vers un génocide. Mais nous ne pourrons pas l’affirmer avant d’avoir pu envoyer sur place du personnel humanitaire. Nous savons que les Djandjawids [NDLR : miliciens arabes progouvernementaux] ont commis des atrocités. Ils ont tué, violé et pillé. Ils sont impliqués dans la destruction de près de 400 villages, le déplacement de plus d’un million de personnes et la fuite de 200 000 autres au Tchad. Juridiquement, même quand les victimes ne meurent pas tout de suite, il est possible de parler de génocide. Quand on brûle leurs maisons, quand on abat le bétail, les habitants peuvent ne pas succomber immédiatement, mais un peu plus tard. Quand on s’attaque systématiquement à un groupe ethnique avec l’intention de le détruire, il y a génocide. Et si cette intention existe, nous prouverons qu’un tel crime a été commis.
J.A.I. : Qui est responsable ?
P.R.P. : Nous avons établi une liste de sept chefs djandjawids, et demandé au gouvernement soudanais d’enquêter sur leurs agissements et de les arrêter. Khartoum s’y est engagé, mais le Soudan est un pays où les promesses ne suffisent pas. Nous allons vérifier si ces individus ont bel et bien été arrêtés. Nous enquêtons également sur le soutien éventuel que le gouvernement ou certains de ses membres pourraient apporter aux Djandjawids. Nous sommes préoccupés par le fait que Khartoum n’a jusqu’ici entrepris aucune action contre ces miliciens.
J.A.I. : Les Nations unies doivent-elles voter des sanctions contre Khartoum ?
P.R.P. : Nous étudions un projet de résolution au Conseil de sécurité. Et, en même temps, nous attendons de voir si Khartoum tient ses engagements. En fonction de ses réponses concrètes, nous verrons jusqu’où le texte doit aller, mais dès maintenant nous estimons qu’une résolution est nécessaire. Je sais que plusieurs pays sont opposés à toute sanction. Reste à savoir quelle solution ils proposent. Il s’agit de sauver des vies, d’empêcher les criminels d’agir et de les obliger à rendre des comptes.
J.A.I. : Craignez-vous, dix ans après, une répétition du génocide rwandais ?
P.R.P. : Oui, et c’est la raison pour laquelle nous nous battons. Je ne comparerais pas les deux crimes. Ils sont différents dans leur origine, leur mode opératoire et leur rapidité d’exécution. Mais des millions de personnes sont en danger, et beaucoup vont mourir. Donc, oublions les noms et les étiquettes, et agissons !
J.A.I. : N’êtes-vous pas soumis à la pression des Églises évangéliques américaines et du Black Caucus ?
P.R.P. : Les Églises évangéliques, non, car le conflit du Darfour n’est pas religieux. Il oppose des Arabes à des Noirs, et tous sont musulmans. Quant au Black Caucus, il s’exprime, c’est vrai. Mais d’autres sénateurs se mobilisent. Républicains comme démocrates. Chrétiens comme non chrétiens. Et c’est normal, car il s’agit d’une crise humanitaire qui devrait soulever l’indignation du monde entier.
J.A.I. : Le président Bush ne cherche-t-il pas surtout à éviter un génocide avant l’élection présidentielle de novembre prochain ?
P.R.P. : Vous pouvez dire cela, le président Bush ne veut pas d’une crise de type rwandais. Il y a quelques années, j’ai eu plusieurs conversations avec lui sur le Burundi et je puis vous dire qu’il ne veut surtout pas qu’un « nouveau Rwanda » se produise sous sa présidence. C’est pourquoi il a envoyé des forces au Liberia. Il fallait aider les Nigérians à mettre fin à la violence dans ce pays. C’est encore la raison pour laquelle nous sommes très vigilants en République démocratique du Congo et nous suivons de très près le déploiement du contingent de paix au Burundi. Nous voulons nous assurer que cela ne se reproduira plus. C’est un point sur lequel le président Bush nous a donné des instructions strictes.

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