Le premier bébé-éprouvette

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Il est 23 h 47, ce 25 juillet 1978. Les cris d’un nouveau-né retentissent dans l’une des salles d’opération de l’hôpital général d’Odham, dans la banlieue de Manchester, au Royaume-Uni. Des pleurs de délivrance attendus par les parents de l’enfant, mais aussi par la communauté scientifique et par le monde entier – comme en témoignent les unes des journaux du lendemain. Non seulement la petite Louise Joy Brown – 2,688 kilos, yeux bleus et quelques cheveux blonds – se porte à merveille, mais sa naissance annonce une révolution : ce premier bébé conçu in vitro vient d’apporter la preuve que le processus de fécondation humaine peut désormais se réaliser en dehors de l’utérus d’une femme. L’ère des bébés-éprouvettes s’ouvre, et avec elle celui des débats sur la bioéthique.

Ce sont de longues années de recherche qui aboutissent ce jour-là, grâce au travail d’un biologiste de l’université de Cambridge, Robert Geoffrey Edwards, et d’un obstétricien, Patrick Steptoe.
L’histoire remonte en réalité à près de cinquante ans. En 1934, deux ans après qu’Aldous Huxley a mis en scène la fécondation in vitro humaine (FIV) dans son roman Le Meilleur des Mondes, un scientifique parvient à faire accoucher une lapine d’un lapereau créé en laboratoire. Trente et un ans plus tard, Robert Edwards, chercheur à Cambridge, publie dans la revue Nature un article intitulé « La maturation in vitro des ovocytes chez la souris, la vache, le mouton, le porc, le singe rhésus et l’homme ». Mais l’universitaire, s’il est certain qu’un ovule humain peut être fécondé par un spermatozoïde dans un tube, n’a pas trouvé la technique qui permettrait de replacer l’embryon dans l’utérus pour lui assurer une croissance normale. Or, au même moment, le docteur Steptoe, de l’hôpital d’Odham, travaille sur une nouvelle technique gynécologique : la coelioscopie laser.
Grâce à une sonde à fibre optique introduite près du nombril, on peut « observer » les organes de reproduction de la femme. Les deux scientifiques confrontent leurs recherches et, en 1966, décident de travailler ensemble. Il leur faudra dix années, ponctuées d’échecs et d’espoirs, avant de rencontrer Lesley et John Brown. Le couple essaie depuis neuf ans d’avoir un enfant. En vain : les trompes de Fallope de Lesley sont bouchées et ses ovules ne peuvent donc pas atteindre l’utérus, ce qui permettrait une fécondation. La rencontre avec le docteur Steptoe est leur dernière chance.
Le 10 novembre 1976, ils tentent un premier cycle de FIV. Ce jour-là, Steptoe prélève plusieurs ovules sur Lesley. Il les fait immédiatement féconder dans un tube par les spermatozoïdes du mari. Deux jours et demi plus tard, soit un peu plus tôt que lors de leurs précédentes tentatives – plus de quatre-vingts -, les chercheurs réimplantent l’embryon, dont les cellules commencent à se séparer avec succès, dans l’utérus de Lesley. Pour la première fois, le bébé s’accroche et la grossesse se déroule normalement.
Neuf mois plus tard, Lesley développe une toxémie, maladie qui se traduit par une mauvaise irrigation du placenta. Le médecin décide alors de faire naître l’enfant par césarienne. L’accident aurait pu tout mettre en péril, mais la petite Louise verra le jour tranquillement, sous les yeux émerveillés de ses trois « pères »… et sous les flashs des paparazzi. La vente de son histoire aux journaux rapportera 300 000 livres sterling.

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Dans les semaines qui suivent la naissance de Louise, 5 000 couples demandent à pouvoir bénéficier d’une fécondation in vitro. Des bébés-éprouvettes commencent à naître aux quatre coins du monde. Dès 1980, en Australie, où les recherches étaient déjà bien avancées. En 1981, aux États-Unis. En 1982, en France. La trop grande précipitation qui a suivi les premiers succès, créant des espoirs immenses chez les couples non fertiles, a donné lieu à quelques cafouillages et, bien sûr, à des échecs de conception. Aujourd’hui encore, un cycle de FIV a seulement 20 % de chances de réussir. Le taux d’échec reste difficile à admettre pour les couples qui avaient assisté à la naissance de Louise et pensaient que l’opération deviendrait rapidement aussi simple à réaliser qu’une appendicectomie. Il n’empêche : depuis le 25 juillet 1978, un million d’enfants conçus in vitro sont nés.

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