Le géant vascille

Saisie des actifs, perquisitions… La pression s’accentue sur le groupe pétrolier Ioukos. Qui est en cessation de paiements.

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

L’étau se resserre chaque semaine sur le géant pétrolier Ioukos et sur ses dirigeants. Le 8 juillet, la justice russe a lancé une procédure de saisie des actifs de la compagnie pour obtenir le recouvrement de 3,4 milliards de dollars d’arriérés fiscaux. Ce qui n’a guère surpris les experts, qui s’attendaient à une confiscation des biens du groupe depuis la perquisition effectuée à son siège le 3 juillet.
Durant plusieurs heures, une escouade de fonctionnaires ont fouillé les bureaux du pétrolier, emportant plusieurs caisses de documents et les disques durs des ordinateurs des dirigeants du groupe. Le dépeçage de Ioukos, qui se trouve déjà en défaut de paiement sur un crédit de 1 milliard de dollars octroyé par un pool de banques occidentales, semble imminent. Un paradoxe pour le premier groupe du pays, qui emploie plus de 175 000 salariés, assure un cinquième de la production nationale russe et devrait, en surfant sur la vague d’un baril de brut proche des 35 dollars, enregistrer un bénéfice annuel record de près de 5 milliards de dollars.
Un administrateur extérieur pourrait être nommé prochainement pour préparer la vente des actifs de la compagnie. À moins que les dirigeants de Ioukos, qui ont proposé le 12 juillet de payer plus de 8 milliards de dollars par an pour régler les dettes 2002-2003, parviennent à un accord avec le Kremlin…
Anton Drel, l’avocat de Mikhaïl Khodorkovski, l’ex-patron et principal actionnaire de Ioukos, emprisonné pour escroquerie et fraude fiscale, a également annoncé que son client avait offert de céder ses parts dans le groupe pour lui éviter la faillite et proposé au conseil d’administration d’utiliser les actions appartenant aux plus gros actionnaires (soit environ 44 % du groupe) pour apurer les arriérés fiscaux.
Sans doute était-ce l’ultime tentative de conciliation d’un homme qui a longtemps défié Vladimir Poutine, et qui espère encore se tirer de cette passe difficile en trouvant un arrangement avec les autorités.
Première fortune de Russie – 15 milliards de dollars, selon le magazine Forbes -, l’oligarque s’était attiré les foudres du Kremlin en 2003 en menaçant de vendre des parts de Ioukos à des compagnies pétrolières américaines et en s’impliquant dans le financement de partis politiques opposés au Kremlin.
Selon les experts, il semble peu probable que l’offre de Khodorkovski soit officiellement acceptée. Plus vraisemblablement, un repreneur proche du pouvoir pourrait se proposer pour sauver le groupe.
La pression croissante exercée par le Kremlin sur la politique et l’économie russes suscite l’inquiétude des capitales occidentales et donne des frissons aux marchés financiers. Mais pour beaucoup d’investisseurs étrangers qui ont des projets d’implantation dans l’ex-Union soviétique, le changement de cap est plutôt bien perçu. « Le renforcement des contrôles et la diminution de l’incertitude sont des facteurs très positifs pour les affaires, tant qu’on laissera assez de liberté aux entrepreneurs pour exercer leur métier », confiait Donald Peterson, le président-directeur général du groupe de télécommunications américain Avaya, le 28 juin dernier au Wall Street Journal.
Dans les années 1990, les tergiversations incessantes d’un gouvernement sous la coupe des oligarques avaient fait de la Russie une zone à risques pour les affaires, et les multinationales préféraient de ne pas s’y aventurer. Aujourd’hui, le gouvernement russe, fort de sa politique d’« assainissement », espère que les investissements directs étrangers doubleront en 2004, pour atteindre 6,5 milliards d’euros.

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