Nigeria : le plan de privatisation monte en intensité

Le programme lancé en 2012 entre dans sa seconde phase avec la vente de dix nouvelles centrales. Cette mesure doit doubler la capacité de production. Trop peu pour changer dans l’immédiat la vie des Nigérians.

Un Nigérian sur six n’a pas l’électricité chez lui (ici à Lagos). © Akintunde Akinyele/Reuters

Un Nigérian sur six n’a pas l’électricité chez lui (ici à Lagos). © Akintunde Akinyele/Reuters

Publié le 20 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

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Évaluée à 4 000 MW, la capacité de production nationale d’électricité du Nigeria, première puissance économique du continent, n’a pas évolué depuis des années. Pourtant, sa population n’a cessé de croître. En 2011, selon les données de la Banque mondiale, la consommation moyenne d’un Nigérian était de 149 kWh, moins de la moitié de celle d’un Ghanéen et très loin de celle d’un Sud-Africain, qui dépasse 4 500 kWh. La situation est si catastrophique qu’elle fait l’objet de plaisanteries désabusées. Les initiales de la compagnie nationale d’électricité, Nepa, pour National Electric Power Authority, sont détournées en Never Expect Power Always (« N’espérez pas du courant en permanence »).

Sous-investissement

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La cause de ce grave retard : un sous-investissement chronique dans les infrastructures, tels les transformateurs et les stations de distribution, combiné à une pénurie en gaz, ce qui entraîne des coupures de courant extrêmement fréquentes. À chaque black-out, les groupes électrogènes jouent une musique qui sonne, pour les entreprises du pays, comme un rappel assourdissant du surcoût qu’elles doivent supporter pour fonctionner.

Si les problèmes d’accès à l’énergie étaient résolus, on assisterait à une croissance économique à deux chiffres », estime un banquier.

« Si les problèmes d’accès à l’énergie étaient résolus, on assisterait à une croissance économique à deux chiffres », estime Herbert Wigwe, directeur général d’Access Bank.

Constatant les nombreuses et vaines tentatives pour ressusciter ce secteur géré par les pouvoirs publics, le président Goodluck Jonathan a lancé en 2012 un ambitieux plan de privatisation dont l’objectif consiste à injecter près de 8 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros) d’investissement dans les cinq ans.

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Conglomérat

L’an dernier, ce programme a donc permis la vente de 2,5 milliards de dollars d’actifs, le monopole de l’État laissant la place à six compagnies productrices et onze compagnies de distribution privées. Parmi ces nouveaux acteurs, le producteur indépendant Azura Power, qui construira, d’ici à 2017, une centrale de 450 MW (622 millions de dollars d’investissement) dans l’état d’Edo, ou encore Transcorp, un conglomérat local qui a dépensé 300 millions de dollars pour racheter la centrale d’Ughelli, la plus grande unité de production fonctionnant au gaz avec une capacité de 972 MW.

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Et les premiers résultats sont déjà là : depuis l’arrivée de Transcorp, la puissance du site est passée de 150 à 450 MW et devrait atteindre 700 MW en fin d’année. D’ici à 2018, l’entreprise espère même atteindre 3 000 MW.

« La demande est là, l’industrie n’attend que cela », constate Adeoye Fadeyibi, le directeur de Transcorp. Actuellement, le gouvernement termine la deuxième phase de la privatisation, qui consiste en la vente d’une participation majoritaire dans dix centrales alimentées au gaz. Cette mesure devrait doubler la capacité de production actuelle.

Effets

Mais jusqu’à présent, la population n’en ressent pas les effets. Quelque 46 % des Nigérians reçoivent de une à quatre heures d’alimentation continue par jour, et 17 % ne sont pas raccordés, selon une étude de l’organisme de sondage NOI-Polls publiée il y a quelques semaines. Beaucoup pensent que les privatisations ont profité à des oligarques liés à l’élite politique plutôt qu’à des opérateurs dotés d’une réelle expertise technique. Du côté de ces derniers, on justifie les retards en pointant un manque d’investissements remontant à des décennies.

Mais David Ladipo, directeur général d’Azura Power, insiste sur le changement de politique publique. « Les producteurs indépendants d’énergie ne représentent pour le moment que 10 % de la production nationale, et le pays aura besoin d’une centaine de centrales comme Azura pour rattraper son retard sur l’Afrique du Sud », insiste-t-il. Un chantier qui devrait prendre plus d’une génération.

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