La démocratie à petits pas

Sept ans après la rétrocession à la Chine, les habitants du territoire manifestent. Pour faire reculer les « pro-Pékin ». Et avancer les réformes.

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 4 minutes.

Un demi-million de personnes dans les rues selon les organisateurs, deux cent mille selon la police : la manifestation du 1er juillet, marquant cette année le septième anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, tourne généralement au bras de fer entre les « démocrates » hongkongais et leurs adversaires « pro-Pékin ».
Le nombre des participants revêt, en 2004, une importance particulière : en septembre prochain, les Hongkongais éliront leurs députés. Sur les 6 millions d’habitants que compte le territoire, la moitié est déjà inscrite sur les listes électorales. Or les politologues se fondent sur l’ampleur de cette manifestation pour tenter de prédire les résultats du scrutin.
Selon la Loi fondamentale, le Conseil législatif (Legco) de Hong Kong doit être composé de soixante députés, dont trente seront élus au suffrage universel direct, contre vingt-quatre en 2000 et vingt en 1998. Pékin espère que ses partisans conserveront la majorité au sein de ce Conseil. Les « démocrates », issus de formations très hétérogènes (partis démocratiques, associations de défense des droits de l’homme, Église catholique et syndicats), espèrent leur ravir cette majorité pour accélérer le rythme des réformes dans cette zone déjà largement autonome.
Depuis 1997, Hong Kong a connu d’immenses difficultés liées à la conjoncture mondiale. La politique d’ouverture de la Chine a privé le territoire de son rôle d’intermédiaire entre le continent et le monde extérieur, ce qui a eu un impact très négatif sur son économie. La crise financière en Asie, qui a frappé la ville de plein fouet, et l’épidémie de sras (syndrome respiratoire aigu sévère) sont venus aggraver la situation.
Tous les mécontentements se cristallisent sur la personne du chef de l’exécutif, Tung Chee-hwa. Pékin l’avait soutenu lors du renouvellement de son second mandat alors qu’il entendait faire adopter une loi sur la « sécurité nationale ». Ce projet, jugé dangereux pour les libertés publiques, avait provoqué une gigantesque manifestation, le 1er juillet 2003, au cours de laquelle un demi-million de Hongkongais avaient exigé sa démission.
La Chine craint qu’une démocratisation trop rapide ait des effets négatifs sur Hong Kong, qui, selon elle, n’a jamais eu la moindre expérience démocratique, y compris pendant les cent cinquante ans de colonisation britannique. À en croire certains analystes, Pékin redoute un « effet domino » sur le pays tout entier. Mais cette thèse est peu convaincante : Hong Kong bénéficiant du principe « un pays, deux systèmes », son évolution ne produit pas mécaniquement les mêmes effets sur le continent.
Si Pékin a décidé, en avril dernier, de bloquer l’élection au suffrage universel direct du chef de l’exécutif en 2007 puis du Conseil législatif en 2008, la raison principale réside plutôt dans sa volonté d’éviter que le pouvoir local, trop affaibli, ne parvienne plus à diriger l’île en période de crise. Un avis que ne partagent pas les démocrates, qui estiment au contraire que seule la démocratisation est susceptible de « sauver Hong Kong ».
Ce bras de fer entre Pékin et les démocrates hongkongais a provoqué de nombreux incidents durant ces derniers mois. Les uns accusent Pékin d’avoir menacé des journalistes célèbres pour étouffer leurs critiques ; les autres reprochent à certains démocrates de s’être rendus aux États-Unis pour y chercher des soutiens étrangers. Le porte-parole de la Maison Blanche et certains consuls des pays occidentaux à Hong Kong, en multipliant les déclarations en faveur des démocrates, auraient choqué l’opinion chinoise.
Toutefois, avant et après la manifestation du 1er juillet, les deux parties manifestaient une volonté d’apaisement. Le vice-président chinois Zen Qinhong, le principal responsable du gouvernement central pour la question de Hong Kong, a ainsi déclaré aux journalistes de la ville qui l’accompagnaient dans sa tournée en Afrique, en juin, que « le gouvernement central [n’était] pas en contradiction avec les démocrates ». Pékin a également démenti avoir manipulé des journalistes. Selon la BBC, un sondage du début de 2004 révèle que sept Hongkongais sur dix estiment que leur presse demeure libre. Pékin a même proposé aux démocrates un dialogue, que ces derniers ont accepté. Une détente confortée par la reprise de la croissance : 6 % en 2003, due en partie au soutien du continent.
Pékin ne peut laisser sa politique à l’égard de Hong Kong échouer, car elle illustre le principe du « un pays, deux systèmes » proposé pour l’avenir de Taiwan. Par ailleurs, la Chine, consciente que l’Asie est entrée dans une ère de démocratisation et que presque tous les pays voisins sont en train d’élire leurs gouvernements, sait qu’elle sera entraînée tôt ou tard par ce courant. En ce sens, l’expérience de Hong Kong pourrait se révéler précieuse pour Pékin. Cette « arrière-pensée » explique la relative tolérance des autorités chinoises à l’égard des démocrates hongkongais. Pour l’heure, tous les regards se tournent vers les législatives de septembre. Mais quel que soit le résultat, le processus de démocratisation devrait se poursuivre suivant le rythme dicté par Pékin et sous la pression constante de la population hongkongaise.

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