Jules Mutebutsi

Colonel congolais dissident

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est dans le camp militaire rwandais de Ntendezi, à 20 km de la République démocratique du Congo, que le colonel congolais Jules Mutebutsi et ses hommes ont trouvé refuge depuis le 21 juin, après s’être repliés de la ville de Bukavu, à la suite des événements du 26 mai. Ce jour-là, des affrontements avaient opposé les Forces armées de la RDC (FARDC) aux hommes du colonel Mutebutsi, ancien commandant adjoint de la 10e région militaire, qui refusaient de se laisser désarmer.

De taille moyenne, la quarantaine, pas bien épais, le colonel Mutebutsi a aujourd’hui abandonné le treillis et les bottes pour un simple jogging gris et des sandales. C’est désormais à l’ombre d’une tonnelle fleurie, en compagnie de sa garde rapprochée, une dizaine d’officiers, qu’il passe la majeure partie de son temps, en luttant comme il peut contre le désoeuvrement. Si le colonel s’exprime d’une voix claire et intelligible, son français est laborieux. Il parle lentement, en prenant son temps avant de répondre, et un solide gaillard se présentant comme son « conseiller » lui souffle de temps à autre le mot qui peine à franchir ses lèvres.
Dans ce camp, les journées du colonel sont réglées comme du papier à musique. Il se lève tous les matins à 5 h 30 et passe la journée à converser avec ses officiers, jusqu’à son coucher à 22 heures. Un emploi du temps bien éloigné de la vie trépidante de militaire. Mutebutsi ne l’avoue pas, mais il s’ennuie et veut coûte que coûte rentrer dans son pays, la RDC. « Je ne connais pas encore la date de mon départ, déclare-t-il, mais tout ce que je puis dire, c’est que mes hommes et moi n’avons pas l’intention de rester éternellement dans un pays étranger. »

la suite après cette publicité

Justement, ses hommes, combien sont-ils ici avec lui ? Certains avancent le chiffre de 305. Le colonel refuse de confirmer ou d’infirmer. « Mes hommes sont tous avec moi », se limite-t-il à dire. Une armée fantôme en tout cas, puisque les troupes de Mutebutsi, avant de passer la frontière, ont dû remettre leurs armes aux forces rwandaises.
Pendant l’entretien, le colonel prend un malin plaisir à esquiver les questions dérangeantes. Parfois, il joue l’innocent dépassé par les événements. Si la Monuc lui a tiré dessus le 21 juin, il n’en sait pas la cause ! Mutebutsi aurait pourtant, à Kamanyola, tiré sur une patrouille de démineurs de la Mission des Nations unies en RDC (Monuc), entraînant une riposte aérienne des Casques bleus qui allait le chasser de ses positions, puis le contraindre à fuir le pays.
Quant au général congolais Budja Mabé qui a remplacé le général Nabyolwa à la tête de la 10e région militaire, il l’a également attaqué sans raison : « Budja Mabé a brusquement décidé de me désarmer. Lorsqu’on lui en a demandé la cause, il nous a tiré dessus. C’est ce qui a déclenché les événements du 26 mai », raconte Mutebutsi, sans évoquer les événements antérieurs. Le 23 février, pour réclamer la libération du major Kasongo, transféré à Kinshasa après la découverte d’une cache d’armes dans sa villa, Mutebutsi aurait fait mitrailler trente minutes durant la résidence de Nabyolwa, alors que ce dernier était censé s’y trouver.

À l’évocation des exactions commises contre la population banyamulenge dont il est lui-même issu, l’officier dissident perd de sa retenue : « Il s’agit d’une chose qui était programmée depuis longtemps. Un mois avant les massacres, Benoît Kadagé, le chef de la communauté banyamulenge, avait reçu un message l’avertissant de l’organisation de ceux-ci. Il était même intervenu à la radio pour informer la population qu’une tuerie contre les tribus banyamulenges était organisée. Personne n’en connaissait la cause. J’ai néanmoins constaté que pour se livrer à une telle chose, il fallait d’abord me désarmer, ce qu’ils n’ont pas réussi à faire. Mais cela n’a pas empêché le général Budja Mabé de massacrer ces gens. » Le « conseiller » opine du chef.
Pour l’instant, Mutebutsi n’a guère les coudées franches pour quitter le pays des Mille Collines et retourner dans la localité de Mulenge dont il est originaire, non loin des hauts plateaux qui surplombent la ville portuaire d’Uvira. Selon un proche du pouvoir rwandais, Mutebutsi et ses hommes bénéficient du droit d’asile tant qu’ils restent au Rwanda et renoncent à reprendre les armes. « Si les autorités congolaises nous demandaient de les extrader, je ne vois pas pourquoi le Rwanda accéderait à leur demande puisque, jusqu’à présent, aucun Interahamwe [milicien génocidaire de 1994] n’a été extradé », précise-t-il. n

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires