En ligne avec les Immortels
L’Académie française met en libre accès sur son site la neuvième édition de son « Dictionnaire ». Du moins la partie disponible : environ 30 000 mots.
Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.
En 1986, la préface de la neuvième édition « ni encyclopédique, ni historique, ni analogique, ni même étymologique » du Dictionnaire de l’Académie française semblait regretter par ce « même » que l’origine des mots ne figure pas dans les définitions. Cette lacune est comblée dans l’édition 2004 que les Immortels mettent en ligne sur leur site(*). Sans attendre la fin de travaux qui demanderont encore plusieurs années, l’Académie a décidé de rassembler ce qui est déjà accompli (de A à Négaton), soit la moitié environ du vocabulaire français.
Ce retour à l’étymologie permettra-t-il de maintenir la connaissance du latin et du grec, de moins en moins enseignés, et de faire comprendre que la plupart de nos vocables plongent profondément leurs racines dans ces deux langues anciennes ? Par son apport étymologique, le Dictionnaire de l’Académie française revient clairement au secours de la création de mots nouveaux fondés comme par le passé sur les racines grecques et latines, besoin toujours croissant des sciences et des techniques.
Dans cette nouvelle édition, les emprunts faits aux langues étrangères sont décrits, de même que les termes et acceptions propres à certaines professions. Pour répondre à une exigence de clarté, la neuvième édition du Dictionnaire a bénéficié d’une remise en ordre logique de chaque article dont le corps, dans le respect de la tradition, ne fait pas appel à des citations, mais à des exemples forgés par les académiciens.
Si des « gros mots » sont de plus en plus présents dans la partie numérique de l’ouvrage en construction constante, les Immortels rappellent que leur présence dans le Dictionnaire n’en autorise pas l’emploi « sans discernement ni retenue » et « ne saurait constituer un encouragement à s’en servir en aucune occasion qui commande, oralement ou dans l’écrit, dans un langage correct ».
« Entre les deux haies épineuses du purisme et du laxisme », le Dictionnaire se penche également sur les questions d’orthographe. Dès 1718, pour la deuxième édition de son Dictionnaire, l’Académie évoquait « la dispute qui dure depuis si longtemps ». Elle déclarait : « L’usage, qui en matiere de langue est plus fort que la raison, introduit peu à peu une maniere d’escrire toute nouvelle, l’ancienne nous eschape tous les jours, et comme il ne faut point se presser de la rejetter, on ne doit pas non plus faire de trop grands efforts pour la retenir. »
En trois siècles, l’Académie a changé à deux reprises l’orthographe de plusieurs milliers de mots. Mais, précise Maurice Druon, son secrétaire perpétuel, « cette fois, nous n’avons inscrit à titre définitif que les modifications qui visaient principalement à harmoniser l’accentuation de certains mots avec leur prononciation habituelle ». Tout ce travail devant évidemment être « soumis à l’épreuve du temps » comme l’indiquent les recommandations du Conseil supérieur de la langue française, publiées en décembre 1990 par le Journal officiel.
À la lumière du travail effectué de 1986 à 2004, l’estimation première de 10 000 mots nouveaux est en passe d’être doublée. À terme, ils seront près de 20 000 à entrer dans cette édition. Dans le premier tome (de A à Enzyme), paru en 1992, on compte 5 500 mots nouveaux sur 17 000 entrées. Dans le deuxième (de Éocène à Mappemonde), sorti en 2000, sur les quelque 11 500 qu’il contient, 4 000 sont nouveaux.
L’accès ouvert via Internet répond à l’attente de la Francophonie et de tous ceux qui, à travers le monde, ont la langue française en partage. Ils pourront désormais consulter en ligne les 30 000 premiers mots de la langue française, qui en comptera 45 000 à la fin de la neuvième édition…
« Puisse le Dictionnaire de l’Académie constituer une des pierres d’assise de cette vaste communauté fondée sur un même langage, et qui se sert des mêmes mots pour nommer ses espérances », conclut Maurice Druon.
* Site de l’Académie française : www.academie-francaise.fr
