Coronavirus et bourses : « Ce sont les marchés les plus connectés qui souffrent le plus »
Spécialiste des marchés financiers du continent, Romuald Yonga a beau avoir constaté « la pire chute des marchés » de sa carrière, il conseille aux détenteurs d’actions sur les places africaines de conserver leur portefeuille.
Après le jeudi noir du 12 mars, qui a vu la Bourse de Paris plonger de 12,28 % tandis que Londres chutait de 9,81 %, Francfort de 12,24 % et Milan de 16,92 %, Jeune Afrique a interrogé l’analyste financier Romuald Yonga, qui a fondé en 2012 African Markets, une plateforme de données sur les marchés financiers africains.
Jeune Afrique : Comment les marchés africains réagissent-ils à la crise du coronavirus ?
Romuald Yonga : Nous avons eu deux journées vraiment noires, celle de lundi 9 et celle de jeudi 12 mars. Ce qui se passe est catastrophique, je n’ai pas vu une chose pareille depuis que j’ai monté ma plateforme, et je ne sais vraiment pas comment cela va se terminer. C’est d’autant plus dramatique que l’on venait d’avoir deux années difficiles, et qu’on comptait sur 2020 pour rebondir. En fait, et même s’il est encore tôt pour tirer des conclusions générales, l’année s’annonce encore pire.
Ce sont surtout les investisseurs étrangers qui allègent leur portefeuille en se séparant de leurs titres africains
Certaines places résistent-elles mieux que d’autres ?
Ce sont les marchés les plus connectés qui ont le plus souffert, car ce sont surtout les investisseurs étrangers qui allègent leur portefeuille en se séparant de leurs titres africains, dans tous les secteurs. Les sociétés minières sont touchées, mais aussi les compagnies aériennes, les banques… Le Nigeria est très affecté, ainsi que la Namibie, le Maroc et le Kenya.
Mais les investisseurs étrangers ne sont-ils pas majoritaires en Afrique ?
C’est le combat que je mène. Les bourses africaines se sont longtemps focalisées sur les investisseurs internationaux, et j’ai toujours pensé que c’était une erreur. En Afrique, il y a une classe moyenne émergente qui est de plus en plus en mesure d’investir dans des actions. Ce qui lui manque, c’est l’information et l’éducation à la finance.
La situation actuelle ne risque-t-elle pas d’accentuer la frilosité des Africains à l’égard des marchés ?
C’est sûr que cela risque de refroidir ceux qui commençaient à envisager la possibilité d’acheter des actions. Pourtant, il faut le voir comme une opportunité au contraire. Les titres du Nigeria, du Kenya ou encore de Maurice sont en baisse, et vont sans doute continuer encore quelques temps à baisser, mais cela peut les rendre attractifs pour les petits porteurs. Encore faut-il expliquer aux gens ce qui se passe, et l’existence des mécanismes de sécurité des places boursières. Par exemple, la BRVM suspend un titre qui perd – ou qui gagne d’ailleurs – 7,5 % d’un coup.
Il faut être conscients que les marchés africains, à l’exception de l’Afrique du Sud ne sont pas adaptés à la spéculation, ils sont faits pour des investissements de moyen terme ou de long terme : il ne faut surtout pas céder à la panique en vendant aujourd’hui !
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