Que veut faire Jacques de Chateauvieux du groupe Bourbon ?

L’offre publique d’achat lancée par le patron de Jaccar sur Bourbon suscite des interrogations. D’autant que le Français reste très discret sur ses intentions.

Jacques de Chateauvieux, président du conseil d’administration du groupe Bourbon. © Eric Piermont/AFP

Jacques de Chateauvieux, président du conseil d’administration du groupe Bourbon. © Eric Piermont/AFP

Publié le 27 juin 2014 Lecture : 5 minutes.

La question taraude le monde des affaires franco-africain depuis quelques semaines : que veut faire Jacques de Chateauvieux du groupe Bourbon ? Courant mars, Jaccar, son holding d’investissement familial établi au Luxembourg, a lancé une offre publique d’achat (OPA) sur le numéro un mondial des services maritimes dans l’offshore pétrolier, dont il détient 26,2 % du capital.

Capture décran 2014-06-25 à 11.07.57 Le communiqué qui a accompagné le projet de cette opération, en cours depuis le 20 mai, est resté évasif. Y est évoquée la volonté de garantir la « continuité d’une stratégie audacieuse » et de contrôler « le choix des partenaires » de même que celui « des personnels clés ». Des informations peu précises qui n’ont pas manqué de susciter de nombreuses interrogations, d’autant que le patron réunionnais, qui est également le président du conseil d’administration de Bourbon, est connu pour sa capacité à virer de bord.

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Diversification

C’est lui qui, à partir de la fin des années 1980, avait diversifié le groupe spécialisé dans le sucre et le rhum dans l’océan Indien en en faisant un conglomérat actif dans la grande distribution, la pêche industrielle, les produits laitiers, puis les activités maritimes. À partir de 2001, il donne un nouveau cap au groupe, qui se concentre peu à peu sur ses activités de services offshore.

Aujourd’hui, Bourbon – qui réalise un peu moins de 60 % de son chiffre d’affaires en Afrique – compte 11 000 employés, une flotte de près de 500 bateaux, 28 filiales… En 2013, son chiffre d’affaires a atteint 1,3 milliard d’euros pour un résultat net de 115 millions d’euros.

Droit de réponse

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Nous avons reçu de Proparco le droit de réponse suivant :

« Contrairement aux affirmations publiées dans le numéro 2788 de Jeune Afrique du 15 au 21 juin 2014 (article reproduit ci-contre, NDLR), Proparco n’a pas déposé plainte contre Jacques de Chateauvieux et Bourbon à propos de deux transactions conclues à Madagascar.

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Proparco, qui était investisseur de BAIF, s’est constituée partie civile de façon incidente dans le cadre de l’information judiciaire consécutive à la plainte déposée par Cobasa.

Cette constitution avait pour objet de permettre à Proparco d’avoir accès au dossier et d’être informée plus précisément sur les conditions des transactions en cause de même que sur les positions défendues par les principaux protagonistes »

Réponse de la rédaction

Nous avons en effet indiqué que Proparco et la BEI ont porté plainte contre Jacques de Chateauvieux au même titre que Cobasa. Or les deux institutions se sont seulement constituées partie civile. Toutes nos excuses aux parties concernées.

Que fera Jacques de Chateauvieux en cas de succès de l’OPA en cours ? Va-t-il procéder à une énième restructuration à grande échelle de Bourbon ? D’après un homme d’affaires français, le groupe pourrait négocier un virage stratégique pour se positionner davantage dans le domaine du gaz. Mais l’information n’est pas confirmée.

Participations

Jaccar se met en tout cas en ordre de bataille. Peu de temps après avoir annoncé cette OPA, qui valorise le groupe à 1,8 milliard d’euros, il a déclaré son intention de céder les parts (23,5 %) qu’il détient dans Sinopacific, un constructeur naval chinois. Et il est sorti du capital de Piriou, constructeur breton, au début de l’année après avoir cédé la foncière réunionnaise CBO Territoria en août 2013, tandis qu’une sortie de la société de pêche Sapmer serait également envisagée.

Autrement dit, Jacques de Chateauvieux remanie ses participations, abandonnant certaines d’entre elles pour augmenter la plus importante, Bourbon, qui pèse plus de 40 % du portefeuille de Jaccar.

Leader dans son secteur, Bourbon est en moins bonne santé qu’il n’y paraît. Le niveau élevé de son endettement (1,741 milliard d’euros fin 2013), lié à l’acquisition de sa flotte, a inquiété les investisseurs, si bien que le titre Bourbon affiche un recul de 15 % sur cinq ans à la Bourse de Paris.

Pour assainir son bilan, la société s’est lancée début 2013 dans une politique de sale and leaseback de ses navires : elle revend ces derniers, encaisse le montant de l’opération puis les loue. Un premier contrat avec le chinois Industrial and Commercial Bank of China Financial Leasing (ICBCL) prévoit la cession de 51 bâtiments pour un total de 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros).


Rassurer

En même temps qu’il allège son bilan, le groupe engrange des revenus immédiats – au total, le programme devrait lui rapporter 2,5 milliards de dollars. Un trésor de guerre qui pourrait lui permettre de lancer un nouveau plan d’investissement en 2015.

Lire aussi : 

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D’après Nicolas Royot, analyste au sein de la société de Bourse Portzamparc, « financer un programme d’investissement avec de l’argent généré par le groupe sera aussi une façon de rassurer la communauté financière ». Et c’est sans doute là qu’il faut chercher l’explication de l’OPA sur Bourbon.

Jacques de Chateauvieux a formé le projet d’introduire son holding, Jaccar, à la Bourse de Paris en 2015. Et « si Jaccar était perçu comme un holding n’ayant pas le contrôle sur son plus important actif, cela mettrait en péril la réussite d’une telle introduction », décrypte un autre spécialiste du secteur.

Manoeuvre

Pour obtenir une participation majoritaire de 50,1 %, sur la base d’une action à 24 euros, Jaccar va devoir débourser un minimum de 430 millions d’euros. Un objectif loin d’être facile à atteindre : le prix proposé ne représentait qu’une prime de 4,7 % par rapport au cours de Bourse du 12 juin. Un peu mince, surtout si Jacques de Chateauvieux continue de garder le mystère sur ses ambitions stratégiques.

Ces affaires qui font désordre

Depuis 2009, Jacques de Chateauvieux est sous le coup d’une plainte de Proparco, de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Compagnie de la baie de Saint-Augustin (Cobasa) à propos de deux transactions conclues à Madagascar. Proparco et la BEI étaient tous deux contributeurs de Bourbon AXA Investment Fund (BAIF), un fonds lancé par l’homme d’affaires en partenariat avec AXA Private Equity notamment.

Il s’agit en premier lieu de la revente, en 2007, des 31,7 % d’Orange Madagascar détenus par BAIF à France Télécom pour 22,4 millions d’euros. Un montant que les parties civiles jugent nettement inférieur (d’un peu plus de 30 millions d’euros) à ce qui ressort de la comptabilité de France Télécom.

L’autre opération concerne la cession d’Armement et services maritimes (ASM), détenu par Bourbon, à BAIF et Jaccar pour 732 000 euros, un prix dix fois sous-évalué selon la plainte déposée par les avocats. Cité comme témoin assisté dans cette affaire, Jacques de Chateauvieux a bénéficié d’un non-lieu en 2013. Le jugement d’appel est attendu ce 21 juin, à Paris, soit deux jours avant la clôture de l’OPA.

 

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