[Tribune] Coronavirus : Mektoub*, mais pas trop

Depuis le début de l’épidémie de coronavirus déclarée mi-décembre en Chine, on ne rit plus. Mais cette histoire sur les musulmans et leur rapport à la maladie pourra peut-être vous redonner le sourire.

Des musulmans priant dans une mosquée de Karachi au Pakistan le 5 juin 2016, à la veille du Ramadan. © Shakil Adil/AP/SIPA

Des musulmans priant dans une mosquée de Karachi au Pakistan le 5 juin 2016, à la veille du Ramadan. © Shakil Adil/AP/SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 20 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Lorsque l’épidémie de coronavirus s’est déclarée en Chine, de curieuses cartes ont fleuri sur Facebook montrant ce miracle : dans l’empire du Milieu, les régions habitées par les musulmans étaient épargnées, tandis que la maladie faisait des ravages auprès des adeptes d’autres religions.

D’ailleurs, le virus n’était alors que la manifestation de la colère divine, Allah ayant voulu punir la Chine de s’en être pris aux Ouïgours, ces martyrs de l’islam. Puis il a fallu se rendre à l’évidence : le virus ne faisait de cadeau à aucune religion ni aucune communauté. Les cartes ont donc disparu, et les voix se sont tues.

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Mais une autre conviction s’est vite forgée : en pays d’islam, il ne faut rien craindre, on a les moyens de vaincre l’ennemi. L’ordonnance et les remèdes se trouvent consignés depuis quatorze siècles.

L’islam et la quarantaine

Les premiers musulmans ont édicté le principe de la quarantaine, qui commande de rester confiné dans le pays où l’on se trouve lorsqu’une épidémie se déclare. Ils ont fixé des règles pour l’abattage des animaux, prôné le bannissement des cochons.

Ils ont déconseillé de manger les chauves-souris, que la tradition bénit parce que, selon un hadith, l’épouse du Prophète, Aïcha, aurait affirmé que ces mammifères volants avaient tenté d’éteindre avec leurs ailes un feu qui s’était déclaré dans la Grande Mosquée de Jérusalem.

Les plus fatalistes, parmi les croyants, sont persuadés que, même contaminé, il ne faut pas se rebeller, notre destin à tous est tracé d’avance

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En outre, l’islam aurait su dès le départ le comportement social adéquat en de telles circonstances : les cinq ablutions précédant les prières permettent aux fidèles de respecter les règles de l’hygiène et, au vu du spectacle de ces hordes qui s’arrachent les masques, on comprend l’utilité originelle du niqab : « Sobhan Allah ! s’exclame un barbu de France. Nous ne serons plus lynchés parce que nous refusons de serrer la main ou parce que nos femmes se couvrent le visage ! »

Les plus fatalistes, parmi les croyants, sont persuadés pour leur part que, même contaminé, il ne faut pas se rebeller, notre destin à tous est tracé d’avance, Dieu décide du mal et le guérit, autant Le laisser gérer l’affaire tout seul.

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C’est ainsi que beaucoup de musulmans continuent de vivre normalement, en embrassant, en mangeant dans le même plat, et l’un d’eux, un fidèle iranien, alla jusqu’à lécher les murs d’une mosquée – affirmant que personne ne peut être atteint dans la maison d’Allah.

Hélas ! Réellement atteint – et jusqu’en la personne de son vice-­président –, le gouvernement iranien a ordonné de supprimer le prêche du vendredi : on a beau dire, avoir le nez dans les pieds du voisin et la bouche sur un tapis humecté par la salive de centaines d’autres n’est pas de la meilleure prudence.

L’Arabie saoudite, quant à elle, a dû prendre des mesures plus douloureuses, au risque de perdre le jackpot, en interdisant le pèlerinage pour cette année. D’ailleurs, certains croyants ont conseillé aux pèlerins et aux imams de suspendre les prières pendant lesquelles ils sont censés maudire les mécréants occidentaux, le temps que ces derniers nous trouvent un vaccin…

Étranger donc suspect

La Tunisie a sévi en rendant publique une décision pour le moins étonnante, celle d’arrêter les conversions à l’islam : « Revenez plus tard ! ».

Si certains Tunisiens se sont amusés en voyant dans cette décision le travers d’une administration locale qui ne manque jamais de renvoyer votre requête au lendemain, il n’a pas échappé à d’autres que les autorités religieuses ne sont pas loin de penser que, les candidats à la conversion étant d’origine étrangère, ils sont par définition porteurs du virus, et qu’il importe donc de les dissuader de venir embrasser notre religion et de contaminer la souche…

Pour résumer, et comme dirait un internaute : en l’espace de quelques semaines, l’Arabie saoudite a interdit le pèlerinage, l’Iran, la prière du vendredi, et la Tunisie, l’islam tout court… Il faut bien rire un peu, par ces temps de panique virale !

*« C’était écrit », en arabe.

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