Casse-tête juridique

Publié le 19 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

« Divulgation de documents administratifs confidentiels ; diffusion de fausses nouvelles ; actes et manoeuvres de nature à compromettre la sécurité publique et à provoquer des troubles politiques graves. » Tels sont les trois chefs d’inculpation que Seynabou Ndiaye Diakhaté, doyen des juges d’instruction du tribunal hors classe de Dakar, a énumérés dans l’ordre le 9 juillet à Madiambal Diagne, directeur de publication du Quotidien, avant de le placer en détention.
L’emprisonnement était légalement inévitable. Le troisième chef d’inculpation, prévu par l’article 80 du code pénal, impose ipso facto de placer la personne poursuivie sous mandat de dépôt. Cet article répressif est une disposition obsolète, qui n’a plus sa place dans l’arsenal juridique d’un pays comme le Sénégal. Le chef de l’État, Abdoulaye Wade lui-même, embastillé plus d’une fois sous l’ère Diouf sur la base de cet article, a plusieurs fois réclamé sa suppression.
Dans le cas de Madiambal Diagne, la justice a qualifié de « manoeuvre de nature à compromettre la sécurité publique » la diffusion du compte-rendu (estampillé « secret ») de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature, avec « des commentaires incitant les magistrats à la rébellion ».
En dépit des médiations, l’élargissement du prévenu est juridiquement fastidieux. Une personne poursuivie en vertu de l’article 80 ne peut être libérée qu’après avoir été auditionnée sur le fond de l’affaire. Ce qui n’avait pas été fait au moment où nous mettions sous presse. Le doyen des juges, qui affirme avoir 400 dossiers sur sa table, refuse de traiter « le cas Madiambal » en urgence.
L’avocat du prévenu, Me Boucounta Diallo, n’a qu’une seule solution pour obtenir la libération provisoire de son client : demander une « disqualification des faits », c’est-à-dire une autre définition des griefs, qui écarterait l’article 80. À défaut, il ne peut qu’attendre l’audition au fond de son client avant de demander son élargissement.
L’État, qui veut calmer le jeu sans tordre le cou au droit, est bien embarrassé. Le Premier ministre a affirmé vouloir trouver une solution en rapport avec le garde des Sceaux. Mais celui-ci ne peut demander au procureur de requérir la libération provisoire au stade actuel de la procédure. « C’est de la mauvaise volonté, estime Me Diallo. Il est arrivé que des chefs religieux soient élargis sans être auditionnés, sur la base de réquisitions du parquet. »
On l’aura compris : le pouvoir sénégalais veut céder, mais sans y perdre de son autorité. Pressé par la mobilisation de la presse et de la société civile, il ne veut pas violer ostensiblement la procédure de l’article 80. Cruel dilemme.

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