Abderrahmane Benkhalfa
Secrétaire général de l’Association des banques et établissements financiers (Abef)
Observateur averti du secteur, le secrétaire général de l’Association des banques et établissements financiers (Abef), Abderrahmane Benkhalfa, estime que les professionnels ont tiré les leçons des faillites bancaires intervenues en 2003. Désormais, les établissements algériens se professionnalisent pour retrouver la confiance de leur clientèle.
Jeune Afrique/l’intelligent : Comment se portent les banques algériennes ?
Abderrahmane Benkhalfa : La place bancaire est encore en mutation. La première génération de banques – qui n’a pas encore 40 ans – s’est développée avec une économie publique. Avec la loi de 1990, les établissements privés ont fait leur apparition. On compte actuellement une trentaine d’établissements bancaires et financiers. Certains
ont deux agences, d’autres trois cents. Le secteur est loin d’être saturé. Pour coller aux attentes des différentes clientèles, entreprises publiques et privées, particuliers, les banques sont dans une phase de modernisation. Il s’agit notamment de développer les capacités managériales, avec une reconversion des compétences des grandes banques d’État qui deviennent des banques de marché. De même, les banques de deuxième génération, nées à partir de 1990, sont obligées
d’acquérir un certain professionnalisme, surtout quand elles ne font pas partie d’un réseau international. Elles doivent gérer, anticiper les risques, contrôler davantage, travailler avec les autres banques. C’est à cause d’un manque de professionnalisme que Khalifa Bank et la Banque commerciale et industrielle d’Algérie (BCIA) ont disparu.
J.A.I. : De telles faillites peuvent-elles encore se produire aujourd’hui en Algérie ?
A.B. : Les choses ont changé. Nous avons tiré les enseignements de ces faillites. Un séisme comme celui de Khalifa Bank a fait réfléchir tout le monde. Le financement des filiales par les maisons mères a été très encadré pour éviter justement les dérives et sécuriser davantage la place. La Banque d’Algérie a imposé une nouvelle réglementation et le dispositif de contrôle a été renforcé. Depuis le vote de la nouvelle loi en août 2003, des garanties plus fortes sont exigées. La première d’entre elles est celle du capital, qui a été multiplié par cinq. Il est passé de 500 millions de dinars à 2,5 milliards pour les banques, et de 100 millions à 500 millions pour les établissements financiers. Les engagements seront ainsi davantage couverts par le capital, qui reste l’ultime garantie. Et si le ticket d’entrée sur la place d’Alger est devenu plus cher, c’est en quelque sorte une harmonisation et une anticipation d’un volume d’affaires sur une place où le niveau de bancarisation est encore faible.
J.A.I. : Le système bancaire reste pourtant l’un des freins principaux à l’investissement, notamment étranger. Comment réformer ce système bancaire et redonner confiance aux investisseurs ?
A.B. : Nous sommes en train de réaliser un gros effort pour rénover les conditions de traitement des transactions bancaires. Nous voulons faire en sorte que les entreprises comme les ménages trouvent un intérêt à faire passer leurs transactions par les banques dans un pays où il existe un marché informel très important, notamment en matière de change. Les mentalités des Algériens, qui ont plutôt tendance à privilégier le cash, un peu comme les Allemands en Europe, doivent évoluer. Et nous devons moderniser notre système de paiement pour introduire la carte bancaire, permettre une meilleure utilisation du chèque, du virement et du prélèvement. Nous devons également travailler conjointement avec les pouvoirs publics pour améliorer les investissements dans les télécoms, le matériel informatique, l’organisation du travail et les réglementations techniques. Cela permettra de proposer de nouveaux services électroniques, notamment les transactions et les paiements en ligne. Plusieurs grandes banques ont beaucoup progressé en matière de rénovation du crédit. Cette fonction est désormais accessible à plusieurs types de clientèle, alors qu’auparavant elle ne bénéficiait qu’aux entreprises publiques. C’est donc la deuxième priorité du secteur, et nous espérons voir les premiers effets de la modernisation d’ici quinze à seize mois. Certes, nos procédures sont encore lourdes, nous privilégions encore le support papier, nous résistons à l’électronique, nous prenons beaucoup de précautions, mais le secteur vit au rythme des réformes du pays. Je reste convaincu que toutes les avancées se feront avec les banques publiques qui détiennent encore 90 % du marché. Le système bancaire se transformera ou stagnera en fonction d’elles. Nos grandes banques sont les forces tranquilles de la place.
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