Une économie à genoux

Publié le 19 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

Les Congolais ont siroté près d’un tiers de bière de plus en 2005 que l’année précédente. La demande de ciment a augmenté de 26 % et les téléphones mobiles trouvent chaque jour de nouveaux adeptes. Après des années de récession, la République démocratique du Congo a enfin renoué avec la croissance (6,5 %), la monnaie est stable, l’inflation à peu près maîtrisée (357 % en 2001 et 21,6 % l’an dernier), les dépenses de l’État mieux contrôlées et les recettes publiques ont progressé de 100 millions de dollars en 2001, à 290 millions en 2005. Autant de bonnes nouvelles pour le prochain chef de l’État.
« Les faiblesses structurelles du pays et l’environnement des affaires demeurent un handicap majeur à la relance économique », explique toutefois un diplomate européen. L’économie reste à 80 % informelle, la corruption n’a pas été enrayée, les tracasseries administratives continuent. L’insécurité politique, juridique et foncière ne pousse pas les investisseurs à s’engager sur le long terme. Seuls les audacieux et les opportunistes, Chinois, Libanais et Russes, cherchent à réaliser de jolis coups dans le commerce et le négoce. Le secteur des mines connaît néanmoins un engouement important avec la hausse des cours des matières premières. Le patrimoine minier du pays – Gecamines, la Miba (Minière de Bakwanga) et l’Okimo (Office des mines d’or de Kilo Moto) – a été saucissonné et livré aux plus offrants pour satisfaire les besoins immédiats d’argent. L’État est le grand perdant. La plupart des accords signés pénalisent les entreprises publiques, dont les apports en nature, gisement ou infrastructures ont été sous-estimés.
Un grand nombre d’exonérations fiscales ont également été accordées pour des périodes allant de quinze à trente ans. L’exploitation artisanale des minerais bat, par ailleurs, toujours son plein et alimente les comptoirs commerciaux des pays limitrophes. Aucune industrie de transformation n’a été développée et la majeure partie de la population s’adonne à l’agriculture vivrière pour survivre. Les infrastructures routières sont tellement dégradées que certaines zones ne peuvent être atteintes que par voie aérienne ou fluviale. Après des années de mauvaise gouvernance et d’absence de l’État, le service public, particulièrement dans le domaine social, est réduit à néant.
Consciente des énormes difficultés de la RDC, la communauté internationale a repris sa collaboration dès que le processus de pacification a été engagé en 2002. Les missions des experts du FMI et de la Banque mondiale se sont succédé à Kinshasa pour aider le gouvernement et les partenaires bilatéraux, particulièrement la France et la Belgique, à remettre de l’ordre dans les finances publiques. Avec un certain succès puisque les régies financières fonctionnent à nouveau, les dépenses publiques sont à peu près contrôlées et les premiers projets de développement ont redémarré.
À l’approche des élections, la communauté internationale constate toutefois un relâchement des efforts et a décidé de couper les vivres au pays. L’aide extérieure représente pourtant 57 % du budget de l’État (2 milliards de dollars en 2006). Jean-Claude Masangu Mulongo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), a annoncé la mauvaise nouvelle, en avril, à son retour de Washington, où il avait assisté à la réunion des institutions de Bretton Woods : « On nous reproche une grande lenteur dans l’exécution des réformes structurelles. » Le FMI a, pour sa part, constaté d’importants dérapages budgétaires et une explosion des frais de mission.
La tâche du nouveau président s’annonce donc colossale pour la relance de l’économie. Il devra rassurer les bailleurs de fonds s’il veut obtenir leur soutien financier. Heureusement, la RDC n’a rien perdu de ses atouts. En témoignent les nombreux voyages d’hommes d’affaires européens qui viennent depuis près de deux ans prendre le pouls du Congo « pacifié ». Avec des terres fertiles, un gigantesque réseau hydrographique autour du fleuve Congo et ses nombreux affluents, de vastes réserves minières (cuivre, cobalt, coltan, diamant, or) et l’une des forêts les plus étendues du monde avec des espèces rares et très recherchées (afromosia, ébène, iroko, sapelli, sipo) la RDC reste potentiellement l’un des pays les plus riches d’Afrique. Le roi des Belges Léopold II l’avait compris lorsqu’il entreprit la conquête méthodique de ce territoire, quatre-vingt-six fois plus grand que son propre pays, à la fin du XIXe siècle, pour en faire un comptoir commercial.

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