Taylor dans la nasse

Publié le 19 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

« Je suis ravie de pouvoir répondre favorablement à la requête du secrétaire général des Nations unies : s’il est reconnu coupable, Charles Taylor pourra purger sa peine d’emprisonnement au Royaume-Uni. » Cette annonce de Margaret Beckett, la ministre britannique des Affaires étrangères, le 15 juin, marque un pas décisif vers la tenue du procès de l’ancien chef de l’État libérien.
Les Pays-Bas ont en effet aussitôt réagi : « Après l’accord de la Grande-Bretagne, toutes les conditions posées par le gouvernement néerlandais [pour que le procès ait lieu à La Haye] sont désormais remplies. La prochaine étape sera l’adoption par les Nations unies d’une résolution, qui, nous l’espérons, sera présentée dans les prochains jours. »
Charles Taylor est l’un des plus sanglants chefs de guerre que le continent ait connus depuis les indépendances. Dix ans durant, il a semé la mort et la désolation en Afrique de l’Ouest. Même après avoir été remis au Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone (TSSL), à Freetown, le 29 mars, son cas est resté un vrai casse-tête politico-juridique.
Expulsé le même jour du Nigeria, il est devenu une « patate chaude » entre les mains des autorités sierra-léonaises. La présence sur son territoire du « parrain » du Front révolutionnaire uni (RUF), le mouvement rebelle responsable de la mort de quelque cent vingt mille personnes entre 1991 et 2001, embarrassait le pouvoir de Tejan Kabbah. Organiser le procès de Taylor risquait de réveiller les vieux démons de la guerre civile dans un pays encore convalescent, où des milliers d’armes circulent librement. D’autant qu’à partir de Calabar, la ville du Sud-Est nigérian où il séjournait, l’ex-chef de guerre n’a jamais cessé de mettre ses « réseaux » à contribution pour tenter de déstabiliser l’Afrique de l’Ouest.
Début avril, Kabbah a confié ses craintes à Kofi Annan. Le secrétaire général de l’ONU s’est alors lancé à la recherche d’un pays susceptible d’accueillir le procès de l’encombrant détenu. Tour à tour sollicités, l’Autriche, la Suède et le Danemark ont poliment décliné.
Le choix de La Haye, où se trouve le siège de la Cour pénale internationale, s’imposait comme la meilleure solution. Mais le gouvernement néerlandais, échaudé par le précédent Slobodan Milosevic, n’était pas dans les meilleures dispositions, l’ancien dictateur serbe ayant été retrouvé mort, le 11 mars, dans sa cellule du centre de détention de Scheveningen… Les Néerlandais n’ont donc accepté d’assurer qu’un service minimum : d’accord pour que le procès ait lieu sur leur sol, mais à condition que Taylor, une fois condamné, soit incarcéré ailleurs. Les États-Unis, qui avaient mis un point d’honneur à avoir la tête du Libérien, ont alors sollicité les Britanniques, leurs alliés inconditionnels. Avec succès.
Aujourd’hui âgé de 58 ans, Charles Taylor risque de passer le reste de ses jours au Royaume-Uni. Regroupés en six chapitres (exécutions extrajudiciaires, violences sexuelles, violences physiques, utilisation d’enfants-?soldats, pillages, enlèvements et travail forcé), les onze chefs d’inculpation retenus contre lui sont passibles d’une peine de détention à perpétuité.

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