Coronavirus : la stratégie de l’Algérie fragilisée par un contexte politique confus
Fermeture des mosquées, importation de plusieurs millions de dollars de matériel… les pouvoirs publics ont pris plusieurs mesures ces derniers jours pour limiter la propagation du Covid-19 en Algérie. Une stratégie qui se heurte à un climat de défiance entre la population et les autorités.
Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad a annoncé, dimanche 15 mars, que l’Algérie avait importé en une semaine « plusieurs millions de dollars de matériels, de caméras thermiques, de kits, de gants pour pallier aux insuffisances que nous avions au début ».
Avec un système de santé à bout de souffle, les Algériens sont nombreux à alerter sur la nécessité de mettre en place des mesures efficaces
Une mesure bienvenue, dans un pays où le système de santé est à bout de souffle. Les Algériens sont d’ailleurs nombreux à alerter sur la nécessité de mettre en place des mesures de prévention efficaces.
Mardi 10 mars, les autorités indiquaient que de nouvelles annexes seraient créées et équipées pour effectuer des tests de dépistage à Constantine, Ouargla, Oran et Tamanrasset afin d’alléger la pression sur l’Institut Pasteur d’Alger, le seul laboratoire de référence du pays habilité à analyser les prélèvements.
« 400 lits de réanimation disponibles »
Interrogé par la radio publique, le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, a indiqué lundi matin que le pays dispose actuellement de « plus de 400 lits de réanimation » et que « les espaces à mettre immédiatement en exercice avec des respirateurs sont en cours d’identification ».
L’Algérie recense, à ce jour, 60 cas de coronavirus, et quatre décès depuis l’annonce, mardi 25 février, du premier cas — un travailleur italien qui a été rapatrié vers son pays. Désormais, plusieurs wilayas (régions) sont touchées avec une majorité de cas dans la zone de Blida et Boufarik, à une trentaine de kilomètres à l’est de la capitale Alger où des personnes atteintes de covid-19 ont également été recensées.
Ces derniers jours, plusieurs voix ont dénoncé la non-fermeture des frontières et la poursuite des dessertes entre l’Algérie et la France accusant le pouvoir de laxisme alors que la majorité des cas recensés dans le pays ont été importés « essentiellement de France et d’Espagne », admettait ce lundi, le ministre de la Santé.
Les autorités ont finalement annoncé la suspension du trafic aérien et maritime à destination ou en provenance de l’Europe
Lundi 16 mars, les autorités ont finalement annoncé la suspension du trafic aérien et maritime à destination ou en provenance de l’Europe et six pays africains : Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Côte d’Ivoire et Burkina Faso à compter du 19 mars. Les liaisons aériennes avec le Maroc avaient déjà été stoppées dès le 12 mars d’un commun accord entre les deux pays.
Quant aux établissements scolaires, le président Abdelmadjid Tebboune a ordonné leur fermeture jusqu’au 5 avril. Trois jours plus tard, tous les rassemblements culturels et sportifs étaient également reportés à la même date. Et le 17 mars, Youcef Belmehdi, le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Youcef Belmehdi, annonçait la fermeture des mosquées jusqu’à nouvel ordre.
Climat de défiance
Les mesures décidées par les autorités interviennent dans un contexte politique difficile, alors que la crise de confiance entre une importante partie de la population et les pouvoirs publics est à son paroxysme. Les autorités ont appelé les Algériens à éviter les regroupements après que le 56ème vendredi de mobilisation ait rassemblé des milliers de personnes dans plusieurs villes du pays.
Des manifestants maintiennent leur volonté de sortir dans les rues, évoquant une « instrumentalisation » de la crise par le pouvoir.
« Nous ne sommes pas en quête d’une instrumentalisation politique à l’instar de certains. Toutefois, je leur dis, soyez vigilants car il y va de votre santé et de votre vie », déclarait le Premier ministre, dimanche. Au sein du mouvement de protestation, de nombreuses personnalités ont appelé à suspendre les marches et à réfléchir à de nouveaux modes de contestation. D’autres manifestants maintiennent toutefois leur volonté de sortir dans les rues, évoquant une « instrumentalisation » de la crise par le pouvoir.
Dans ce contexte de défiance, la fragile légitimité du président, Abdelmadjid Tebboune, et de son gouvernement constitue un réel problème et les dernières mesures prises par les responsables politiques sont critiquées. « Peut-il y avoir une efficacité dans la prévention en l’absence de légitimité ? Peut-il y avoir de la prévention quand le lien de confiance en l’institutionnel est inexistant ? », s’interroge Abdelmoumene Khelil, militant des droits humains.
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