Quel avenir en Afrique de l’Ouest ?

Publié le 19 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

L’industrie textile ouest-africaine est en crise. Licenciements, fermetures d’usines, pertes de marchés : les mauvaises nouvelles s’accumulent depuis le démantèlement de l’accord multifibres (AMF), le 1er janvier 2005. Ce système, initié en 1974 par les pays développés, permettait de limiter les exportations et de protéger l’industrie. Au jeu actuel de la libre concurrence, les industries asiatiques sont imbattables (Chine, Inde, Pakistan) avec les coûts de main-d’uvre les plus bas du monde et les taux de productivité les plus élevés. Les pays africains, européens et américains assistent donc au déferlement des produits « made in Asia ». En Afrique de l’Ouest, les fripes chinoises inondent les marchés et remettent en cause les tentatives d’émancipation d’une industrie textile locale déjà mal en point en raison de l’obsolescence de ses équipements.
« Nous essayons de survivre, mais si la situation reste en l’état, il n’est pas sûr que nous résistions encore trois mois », se plaignait en mai dernier dans la presse ivoirienne, Jean Louis Menudier, président-directeur général d’Uniwax à Abidjan. Ce patron ne fait plus travailler son appareil industriel que cinq jours par semaine avec une seule équipe. Son chiffre d’affaires atteint difficilement 10 milliards de F CFA contre 30 milliards en moyenne les années précédentes. Toute l’industrie nationale est sinistrée puisque la filière a perdu quelque 6 000 emplois. Les unités de Gonfreville, Cotivo et Challenger (ex-Wrangler) ont compressé leur personnel, tandis que d’autres, comme Utex-CI, ont mis la clé sous la porte.
Au Mali voisin, la situation est également inquiétante alors que des efforts ont été réalisés pour relancer la filière. Depuis mai 2004, une usine de filature, Fitina, fabrique des fils industriels destinés à l’exportation. Après dix ans d’inactivité, l’Industrie textile du Mali (Itema) a rouvert ses portes au début de 2005 grâce à un opérateur malien installé en Côte d’Ivoire qui a investi près de 4 milliards de F CFA pour relancer cette unité industrielle. Quant à la Compagnie malienne des textiles (Comatex), ses métiers à tisser se sont remis en marche, grâce à des repreneurs chinois.
Mais ce nouvel élan est menacé par la concurrence des importations. Les gouvernements d’Afrique de l’Ouest tentent bien d’enrayer le déferlement des produits asiatiques en augmentant les taxes ou en limitant l’accès aux marchés, les fripes continuent à entrer par des moyens détournés et les frontières restent poreuses. Les commerçants importent notamment les vêtements en faisant de fausses déclarations de valeur ou de quantité.
Même les produits africains ne font plus recette. Un pagne en wax « made in Côte d’Ivoire » s’achète aux alentours de 8 000 F CFA alors que le même produit asiatique est vendu à moitié prix. Dans une région où la population a un pouvoir d’achat limité, les clients sont plus sensibles au prix qu’à la qualité. Dans ce contexte, les objectifs de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) de transformer environ 25 % du coton produit dans la région (au lieu de 5 % actuellement) d’ici à 2010 resteront un vu pieux. Le cabinet suisse Gherzi, qui a réalisé récemment une étude sur le secteur de la confection au Sénégal, fait un diagnostic sans appel. Les industries du pays représentent moins de 3 % du textile manufacturé en Afrique de l’Ouest. « Le Sénégal doit changer de cap, explique l’étude Gherzi. L’ère des industries d’assemblage fondées sur la coupe, le façonnage et la garniture est dépassée. Il faut se tourner vers une offre plus globale, depuis la conception jusqu’au produit final. » Et de citer, par exemple, les mélanges avec les produits synthétiques et la fibre intelligente (régulateur de température) ou encore les produits médicaux et de bien-être (ouate hydrophile, moustiquaires, etc.). Enfin, l’étude recommande de respecter les normes de production internationales. Un impératif notamment pour entrer sur le marché américain par le biais de la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (Agoa), en 2000. Une mesure qui permet aux pays africains d’exporter en franchise de droits.

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