Catégorie poids lourds

Après avoir tenu tête à la concurrence occidentale pendant un quart de siècle, la petite banque née au Togo est en passe de devenir un mastodonte à capitaux majoritairement africains.

Publié le 19 juin 2006 Lecture : 4 minutes.

Les actionnaires d’Ecobank peuvent se frotter les mains. Le groupe bancaire africain s’apprête à annoncer, lors de son assemblée générale annuelle, qui se tient à Accra le 23 juin, de nouvelles performances records pour l’exercice 2005, marqué par une forte augmentation des profits et, par conséquent, des dividendes qui seront reversés aux titulaires de parts du capital. Le détail des montants n’est pas connu à l’heure où nous mettons sous presse, les dirigeants d’Ecobank souhaitant en réserver la primeur aux actionnaires et à leurs représentants. Mais les spécialistes bancaires se souviendront que l’exercice 2003, entre autres, avait été marqué par un quasi-doublement du résultat net (+ 91 %), à 22 millions de dollars. Dans le classement exclusif des 200 premières banques africaines que publie le groupe Jeune Afrique, chaque année en octobre, Ecobank Transnational Inc. (ETI) ne cesse de gagner des positions : 64e il y a trois ans, 48e en 2004 et 39e dans le dernier palmarès.
Parmi les réalisations passées en revue à Accra ce 23 juin, les détails de l’augmentation de capital décidée en 2005 figurent en bonne place. Selon nos informations, le succès de l’opération a largement dépassé les espérances, permettant de porter le capital social de 130 millions de dollars à plus de 300 millions de dollars. Dans un même mouvement, les actionnaires – ils sont plus de 3 000 (voir encadré) – ont donc fait mieux que manifester leur confiance dans ce qui est aujourd’hui l’une des rares banques d’origine africaine capable de tenir tête aux ténors de la finance internationale en Afrique subsaharienne. Ils lui ont donné l’assise financière nécessaire pour accélérer son développement sur le continent.
L’assemblée générale d’Accra sera donc l’occasion de faire le point sur cette stratégie dont la première application concrète réside dans la mise en place d’une nouvelle organisation. À la pyramide de fonctions où les décisions se prenaient en cascade succède un organigramme de responsabilités croisées. Les filiales autrefois autonomes sont désormais rattachées à quatre directions régionales et deux directions opérationnelles. Ces dernières sont des Business Units, selon les termes empruntés au management américain. La première est chargée des grands comptes, qui constituaient jusqu’alors l’activité principale d’Ecobank (plus de 70 %) ; la seconde, de la banque de détail, qui apparaît ainsi comme l’un des axes de développement du groupe. Les récentes initiatives comme le crédit à la consommation, le financement immobilier, le crédit-bail, l’assurance-vie ou encore le capital-développement témoignent de cette volonté d’occuper tous les terrains de jeu.
La nouvelle organisation régionale a également une signification propre : sur les quatre zones créées, il en est une où Ecobank est à peine présente. Pour simplifier le propos, l’activité réalisée dans les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est répartie entre trois régions (Afrique de l’Ouest francophone, Afrique de l’Ouest anglophone et Nigeria), quand seul le Cameroun figure dans la quatrième. Il ne devrait pas rester longtemps dans cet isolement : Ecobank a fait un pas hors de son terrain de prédilection, il y en aura bientôt d’autres en Afrique centrale et probablement au-delà. La stratégie vise en effet à passer d’une présence dans 13 pays africains à ce jour à 17 pays d’ici à la fin de l’année, puis à 25 à l’horizon 2010. Pour y parvenir, il faudra à nouveau élargir l’actionnariat, et 2006 devrait être l’année de l’introduction du titre sur une place boursière internationale. Ecobank est déjà cotée à Lagos et à Accra. Elle devrait l’être bientôt à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan.
Enfin, la situation au Nigeria sera un point important de l’ordre du jour de l’assemblée générale d’Ecobank. Tout d’abord en raison de la recomposition du paysage bancaire nigérian sous l’impulsion du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Charles Soludo. Partant du principe que les établissements du pays étaient tous trop petits pour assurer convenablement le financement de l’économie, il les a incités à grandir. En dix-huit mois, invitées à se regrouper ou à disparaître, les 89 banques nigérianes poussives ont fait place à 25 établissements beaucoup plus puissants. Soludo entend n’avoir plus, à terme, que 14 très grandes banques nigérianes. Dans l’affaire, Ecobank a d’abord choisi la voie de la croissance interne. C’était d’ailleurs l’un des objectifs particuliers de l’augmentation générale de capital réalisée l’année dernière. La filiale locale a été recapitalisée à hauteur de 200 millions de dollars. Elle se trouve ainsi en position de force pour mieux aborder un nouvel assaut de la tempête nigériane, qui passera probablement par un regroupement avec un acteur de la place.
Et là, force est de constater qu’Ecobank vise très haut : des négociations sont en cours avec First Bank of Nigeria, qui est, comme son nom l’indique, la toute première banque du pays. Elle y compte 365 agences et dispose en outre d’une filiale au Royaume-Uni et d’un bureau en Afrique du Sud. Pour le moment, les deux partenaires confirment chacun qu’ils sont en phase de « rapprochement ». Impossible de savoir s’il y aura une fusion à égalité entre deux groupes complémentaires ou l’absorption de l’un par l’autre, ou si Ecobank cherchera un autre associé. Mais il est d’ores et déjà clair que le nouvel ensemble, s’il voit le jour, sera le premier groupe bancaire d’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud). Il figurera en outre parmi les vingt premières banques du continent, un Top 20 jusqu’à présent trusté par des établissements sud-africains ou d’Afrique du Nord. Beau parcours pour une petite banque née au Togo et qui se retrouve, après avoir tenu tête à la concurrence occidentale pendant un quart de siècle, en passe de devenir un mastodonte africain de classe internationale.

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