[Chronique] Top 10 des bénéfices inattendus du coronavirus
Abasourdi par la propagation d’un virus sans frontières, le monde prédit un « après-coronavirus ». Entre l’exploration de nouvelles solidarités, le ralentissement du réchauffement climatique ou la trêve des violences, voici le top 10 des impacts inattendus que pourrait avoir le Covid-19 sur les sociétés humaines.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 26 mars 2020 Lecture : 5 minutes.
Comme il y a des cadeaux empoisonnés – le mal naissant du bien -, il y aurait des cataclysmes salvateurs : le bienfait enfanté par la galère. Quelles « fleurs du mal » poussent-elle donc sur le fumier du Covid-19 ? S’il serait indécent de relativiser les deuils d’une planète « coronisée » et malséant d’en comparer l’impact statistique avec ceux d’autres fléaux, il est permis de lister les dix bienfaits supposés de cette expérience épidémiologique à médiatisation saturée.
Éludons l’idée perfide et largement invérifiée que cette maladie nous rendrait enfin tous égaux, du ministre et charpentier, Occidental et Africain. Bannissons également les jubilations passées d’un Jean-Marie Le Pen qui, en 2014, considérait une épidémie comme une solution à la supposée surpopulation africaine. De la plus anodine à la plus éloquente, voici le top 10 des aumônes de l’Histoire virale en marche.
10- Bonnes affaires pour les herboristeries
Si la crise du Covid-19 est synonyme de marasme pour la plupart des commerces impactés, les ressortissants tunisiens, par exemple, se ruent sur les plantes médicinales et l’ail. Les propriétés antimicrobiennes, voire thérapeutiques, de ce dernier sont toutes relatives, mais la plante potagère provoque chez le consommateur pantagruélique une haleine qui tient tout interlocuteur à distance de sécurité…
9- Retranchement des harceleurs sexuels
Un an après la vague « MeToo »et ses pendants africains, comme le hashtag #EnaZeda, le féminisme ne pouvait compter meilleur allié que le coronavirus, qui éloigne les chefaillons trop entreprenants et les « frotteurs » des transports en commun. Autres soulagés de la prohibition des baisers : les enfants, qu’on obligeait à recevoir les bisous humides des grands-tantes en manque d’affection.
8- Introspection philosophique et culturelle
Plus ou moins confinés, selon les pays, mais largement privés de voyages et d’agapes collectives, les citoyens terrés redécouvrent les loisirs simples, voire exigeants, quand le numérique est à saturation. Re-propulsé best-seller depuis le début de la crise sanitaire, un roman a pour théâtre l’Afrique : dans La Peste, d’Albert Camus, les habitants d’Oran affrontent une épidémie. Dans ses Carnets, l’auteur évoque d’ailleurs une « peste libératrice ». L’homme serait-il le véritable mal et le Covid-19 son vaccin ?
7- Pic de créativité
L’humour est la politesse du désespoir, affirmait le réalisateur et écrivain Chris Marker, décédé huit ans avant le nouveau coronavirus. Sur les réseaux sociaux (qui ne transmettent que des virus informatiques), les blogueurs blagueurs remontent le moral avec leurs montages satiriques ou leurs vidéos tragi-comiques.
Et les musiciens ne sont pas en reste, des sampleurs de cris de panique de l’Américaine Cardi B, au rap conscient de Smarty – Corona alerte – dans ce Burkina Faso qui a comptait quatre décès lié au Covid-19 au 26 mars. D’autres, comme l’Ivoirien A’Salfo, regrettent de ne pas avoir pris la pandémie suffisamment au sérieux. Va-t-il chanter « Feel the virus in the air / Allez, allez, allez / Lavez les mains en l’air / Allez, allez, allez » ?
6- Sursis pour certaines espèces en danger
Inscrit sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), le pangolin pourrait être sauvé par le Covid-19. Pointé du doigt comme possible animal amplificateur de la maladie, le pholidote à écailles est progressivement retiré des marchés africains de viande de brousse, notamment au Gabon. Plus globalement, la nature reprendrait ses droits. Selon un confiné d’une Venise polluée, l’eau des canaux serait « redevenue claire et poissonneuse » et « des milliers d’oiseaux » se seraient installés en ville.
5- Initiation à la décroissance
Le monde du tout-business et des minutes synonymes de dollars apprend à ralentir et appréhende les fragilités des sociétés néolibérales voire mondialisées. L’occasion de se poser et de poser les bonnes questions sur l’opportunité des États-providence, l’à-propos des méthodes keynésiennes, l’impériosité de la redistribution, la « croissance vertueuse » ou la « décroissance naturelle de long terme ».
4- Réapprentissage de l’hygiène
Largement sourds aux lanceurs d’alerte, dans un premier temps, de nombreux citoyens se rangent maintenant aux consignes de nature à faire barrière au virus, comme le nettoyage méticuleux des paumes, l’entretien pointilleux de son environnement ou les bonnes pratiques en matière d’éternuement.
Les Français reclus ont le temps de relire une étude de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) publiée il y a trois semaines, enquête qui dévoilait qu’un « Gaulois » sur quatre ne se laverait pas tous les jours. Au final, le coronavirus rendra quelques décibels à la parole des scientifiques.
3- Ralentissement du réchauffement climatique
La paralysie des lignes aériennes ou le stationnement des véhicules des confinés contribuent à la baisse des émissions de gaz à effets de serre. Marginal ? En Chine, où l’on commence à avoir du recul sur le tsunami viral, les Pékinois respirent un air plus sain – images satellites à l’appui – depuis que tournent au ralenti les mines de charbon, les moteurs automobiles ou les usines chimiques.
2- Exploration de nouvelles solidarités
Dans la plupart des pays touchés, le coronavirus révèle tout autant l’individualisme d’un consommateur qui se réserve tous les rouleaux de papier toilette de sa supérette que la solidarité d’un confiné qui, par sa fenêtre, demande des nouvelles de sa voisine octogénaire.
Le bien pourrait tout de même faire école. Ici, un pizzaïolo ne facture pas son plat quand il est commandé par un(e) soignant(e). Ailleurs, des plateformes vidéo mettent en ligne des catalogues gratuits de films et de séries. Un peu d’opportunisme ? Chut ! De toute façon, l’Afrique aurait une longueur de retard sur le Covid-19 et une d’avance sur la solidarité
1- Trêve de la violence
Déjà « giflés » par la fièvre virale, inutile de continuer à nous taper dessus. L’ONU et plusieurs pays arabes et occidentaux ont appelé les parties en conflit en Libye à une trêve humanitaire afin de permettre aux autorités sanitaires de mieux lutter contre le coronavirus. Dans le bulletin de propagande al-Naba, relayé par le journal britannique The Sunday Times, Daesh déconseillait même à ses éléments de se rendre dans les États touchés par la pandémie. Un virus ne serait-il pas, pourtant, une arme terroriste biologique de choix ? Les kamikazes veulent bien mourir, mais pas d’insuffisance respiratoire…
« Vive le coronavirus » ? Attention ! En matière de trêve politicienne comme de solidarité ponctuelle, un répit ne vaut que ce que valent les leçons durablement tirées…
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