Petites indiscrétions entre amis

Entre 1979 et 1985, un ancien ingénieur mécanicien de l’armée américaine a transmis à Israël une centaine de documents confidentiels concernant notamment les armes nucléaires. À qui se fier !

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Il faut toujours se méfier, même de ses plus proches amis. C’est la triste morale que l’on pourrait tirer de l’affaire Ben-Ami Kadish. Fin avril 2008, cet Américain de 84 ans né dans le Connecticut a été arrêté par le FBI pour avoir espionné les États-Unis au profit d’un allié de longue date : Israël. Ancien militaire de carrière ayant fait ses débuts au sein de la Haganah, cette organisation paramilitaire juive active à l’époque du mandat britannique sur la Palestine (1920-1948), Ben-Ami Kadish a, pendant des années, travaillé comme ingénieur mécanicien au Centre de recherche de l’armée, à l’Arsenal Picatinny de Dover, dans le New Jersey. Ses activités d’espion n’ont apparemment duré que six ans, entre 1979 et 1985.
Que faisait-il exactement ? C’est très simple : obéissant aux ordres de son « officier traitant » connu sous le pseudonyme de Yosef Yagur, il empruntait des dossiers top secrets à la bibliothèque de l’armée et les rapportait chez lui. Yagur lui rendait alors visite et passait la nuit à photographier les documents afin qu’ils puissent retrouver tranquillement leur étagère le lendemain. Les enquêteurs estiment entre cinquante et cent le nombre des dossiers confidentiels ainsi passés entre les mains de Kadish.
Au menu, des informations concernant les armes nucléaires américaines, certains éléments sur les ventes de chasseurs bombardiers F-15 et même des instructions sur le fonctionnement du système de défense aérienne par les missiles Patriot. Kadish aurait agi par patriotisme, sans jamais recevoir d’argent de l’État juif. Le contact aurait été noué par le frère de Kadish, Ehoud, qui travaillait avec Yosef Yagur dans l’industrie aéronautique israélienne. Kadish aurait été embauché par le Lekem, le « Bureau des relations scientifiques », une agence de renseignements spécialisée dans l’espionnage technologique dans les pays occidentaux.
Cette histoire n’est pas la première du genre. En 1985, l’Américain Jonathan Pollard avait été arrêté et condamné à la prison à perpétuité pour espionnage au profit de l’État juif. Lui aussi travaillait pour le Lekem et était en contact avec ce même Yosef Yagur, à l’époque attaché scientifique au consulat israélien à New York. Il aurait transmis à Israël non quelques centaines de documents comme Kadish, mais pas moins d’un million ! À ce jour, tous les présidents américains ont refusé sa grâce. Le cas Pollard demeure l’une des rares pommes de discorde entre les États-Unis et leur allié au Moyen-Orient.
En novembre 1985, l’affaire Pollard avait poussé Yagur à rejoindre Israël et entraîné la dissolution du Lekem. Depuis, les Israéliens prétendent avoir cessé d’espionner leur allié. Ils ont en tout cas longtemps affirmé qu’il n’y avait pas d’autre espion sur le territoire américain – même si, selon certaines sources, Israël aurait en 2004 reconnu secrètement que Pollard n’était pas un cas isolé.
Si Ben-Ami Kadish est finalement tombé, plus de vingt ans après les faits, c’est à cause d’une imprudence. On ne sait pas encore ce qui a éveillé les soupçons du FBI, mais toujours est-il que ses enquêteurs ont intercepté et enregistré une conversation entre Kadish et Yagur, le 20 mars dernier. L’ancien officier traitant conseillait à l’espion, qui se savait soupçonné, de mentir et de nier toute activité d’espionnage Face à l’évidence, Kadish a été contraint d’avouer.
Pour l’instant, Israël suit « les développements de l’affaire », et l’ancien dirigeant du Lekem, Rafi Eitan, aujourd’hui ministre des Retraités dans le gouvernement d’Ehoud Olmert, soutient que c’est la première fois qu’il en entend parler Ben-Ami Kadish, lui, a été libéré après avoir versé une caution de 300 000 dollars. L’amitié israélo-américaine ne devrait guère souffrir de cette vieille affaire, et il est peu probable que le président George W. Bush l’évoque lors des festivités marquant le soixantième anniversaire de l’État juif.

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