Métis or not métis ?

Jusqu’en juillet 2009, le musée du Quai Branly met en valeur les productions artistiques issues de la rencontre des cultures. Et questionne le regard occidental.

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

« Un honnête homme, c’est un homme mêlé », écrivait Montaigne. Quel meilleur préambule pour aborder Planète métisse, la nouvelle exposition du musée du Quai Branly à Paris ? Le visiteur qui s’attend à une célébration de l’aspect ethnique du métissage en sera pour ses frais. Ici, point question de race, de sang mêlé ou autre. Si métissage il y a, il est purement culturel. « Au-delà de la notion de mélange biologique à quoi on ramène trop souvent le phénomène du métissage, Planète métisse questionne l’imaginaire des visiteurs, au cours d’un parcours non exhaustif qui fait dialoguer les objets entre eux », rappelle Serge Gruzinski, commissaire de l’exposition.
Au sein du bâtiment parisien cher à Jacques Chirac, dans une aile à l’éclairage savamment dosé, tout un tas d’objets censés mettre en exergue ce que les peuples et les individus ont inventé à l’interface des sociétés et des civilisations interpellent le visiteur. Dans l’apparente différence, les similitudes sont soulignées, brouillant les frontières supposées cloisonner les sociétés. Un exemple ? Cet Apollon en marbre d’une école florentine jouxtant un poteau anthropomorphe d’Indonésie. « Néoclassique ou premier ? » lit-on sur un panneau. À quelques mètres, la statue d’une Normande en costume et en coiffe fait face à une tête en bronze d’Africaine couronnée d’un foulard. « Folklorique ou exotique ? » demande le second panneau. Ce sont quelques-unes des nombreuses interrogations qui seront silencieusement posées au visiteur, comme pour le pousser dans ses retranchements et le forcer à voir au-delà. Il devra trouver lui-même ses réponses en étudiant avec minutie les deux cent quatre-vingt-dix objets exposés. Tel ce plat en argent doré portugais du XVIe siècle représentant des éléphants, des palmiers et des indigènes. Ou encore cette tempera sur toile réalisée vers 1590 par l’école japonaise de Nagasaki et qui met en scène le martyre de saint Sébastien. Ce qui n’est guère étonnant lorsqu’on sait que le démarrage spectaculaire de la christianisation du Japon a suscité la production de nombreux objets qui, tout en s’inspirant de l’art nippon, célébraient le culte catholique. Car l’arrivée des Européens dans les ports d’Asie n’a pas seulement favorisé l’essor commercial. Les porcelaines chinoises du XVIIIe siècle qui représentent les trois Grâces ou le roi d’Espagne en sont un parfait exemple. Les délicates figurines reprenaient des thématiques occidentales destinées à satisfaire aussi bien le marché européen que le marché local en exploitant des thèmes insolites et exotiques.
Le clou de l’exposition ? Une pièce maîtresse qui résume à elle seule le métissage. Il s’agit d’un magnifique tableau qui met en scène la messe de saint Grégoire. Réalisé en 1539 à Mexico par des plumassiers indigènes, l’Âuvre interprète avec des centaines de plumes multicolores une gravure européenne représentant un miracle advenu lors d’une messe célébrée par saint Grégoire. Destinée à être offerte au pape Paul III, la mosaïque devait manifester de l’autre côté de l’océan le genre artistique et la rationalité des Indiens du Mexique. « Comment la nouveauté fait-elle irruption dans le monde ? Comment naît-elle ? De quelles fusions, de quelles traductions, de quels assemblages est-elle faite ? » se demandait Salman Rushdie. Des résultats tangibles de la rencontre des différentes parties du monde, et des interactions qui se sont nouées entre elles, pourrait-on peut-être lui répondre.

Planète métisse : To Mix or not to Mix, jusqu’au 19 juillet 2009 au musée du Quai Branly à Paris. Renseignements sur www.quaibranly.fr

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