Michel Vieuchange, entre Agadir et Smara

Le 23 mai, l’écrivain aventurier donnera son nom à la médiathèque de l’Institut français d’Agadir. Retour sur un parcours hors du commun.

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Le 23 mai, à l’initiative d’Anne Potié, sa directrice, l’Institut français d’Agadir (IFA) rendra un hommage exceptionnel à l’écrivain aventurier Michel Vieuchange. Dans le cadre des premières rencontres Afrique-Maghreb – durant lesquelles, sous l’égide de Culturesfrance, des intellectuels du continent vont dialoguer autour de leur histoire culturelle commune -, la médiathèque de l’IFA sera solennellement baptisée de son nom, en présence d’André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI.
Michel Vieuchange n’avait que 26 ans lorsqu’il forma, à la fin de l’été 1930, le projet fou de se rendre à Smara, ville perdue du Sahara occidental. À pied ou à dos de dromadaire, il atteignit son but, mais au prix de sa vie. Pour ceux que le désert fascine, Smara, son journal de route, est devenu un livre culte.

Dans les sables du désert
Rien ne prédisposait ce jeune homme bien élevé à venir se carboniser, en deux mois et demi, dans les sables du désert. Il se rêvait écrivain ou cinéaste. Après des études de lettres – il était un passionné de Rimbaud et de Nietzsche – et un service militaire au Maroc, il voulut se forger à travers une épreuve librement choisie, qui servirait de socle à toute sa vie. En lui soufflant le nom d’une ville à découvrir, Smara – « la capitale inconnue des Maures » -, où nul Européen n’avait encore pénétré, la lecture de Vent de sable de Joseph Kessel lui fournit le but recherché. La ville avait été fondée vers 1900 par Ma el-Aïnin, un marabout qui avait tenté de fédérer les tribus contre les Français.
En août 1930, Vieuchange appareille pour le Maroc. À Mogador, l’actuelle Essaouira, un ancien ministre d’Abd el-Krim, le caïd Haddou, lui procure un guide sûr. Son frère Jean, qui l’a rejoint, assurera les arrières, en cas de blessure ou de capture. Au début de septembre, Michel Vieuchange prend clandestinement la route, dissimulé au sein d’une petite caravane berbère. Déguisé en femme, il ne cesse de tenir son journal, sous ses voiles. Un petit douar non loin du Draa, Tigilit, sert de camp de base.
Très vite, ce qui devait être un raid rondement mené se mue en calvaire. Tapi dans une cache pouilleuse, les pieds blessés, malade, Michel Vieuchange ne contrôle plus le temps et vit dans la hantise d’être trahi. Après l’échec d’une première tentative pour ne pas être vu des tribus qui nomadisent dans la Seguiet el-Hamra, il doit se glisser dans un panier à sucre. Le 1er novembre, Smara s’offre à lui. Mais le nouveau Tombouctou, qu’il arpente fiévreusement pendant trois courtes heures, n’est qu’un amas de pierres éboulées, hanté par les spectres et le vent. Au retour, il use ses dernières forces. Le 30 novembre, Vieuchange meurt d’épuisement à l’hôpital d’Agadir, dans les bras de son frère.

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Héritage partagé
Deux ans plus tard, en 1932, les éditions Plon publient ses carnets. Smara (réédition Phébus Libretto, 2004) est un document brut, « journal de découverte et d’agonie », selon les mots de Paul Claudel, qui en écrivit la préface. De Mauriac à Aragon, de Paul Bowles à Jean Genet, les écrivains furent nombreux à saluer la poésie à l’état sauvage de ce livre inclassable. Des deux côtés de la Méditerranée, après une période d’oubli, Michel Vieuchange a été redécouvert avec ferveur. Des livres ont été écrits, des films tournés. « Smara fini, je le sens, nos jeunesses seront accomplies/Nous entrerons dans un autre âge », écrivait Vieuchange, sur la route. Explorateur aux mains nues, Michel Vieuchange, enterré à Agadir, fait désormais partie de l’héritage partagé des Marocains et des Français.

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