Maroc, Tunisie, Algérie… Le coronavirus bouscule l’agenda politique et législatif

Entre confinement obligatoire et limitation des rassemblements pour raisons sanitaires, le temps politique s’est figé au Maghreb. Les institutions tentent de s’adapter à ces changements, non sans difficulté.

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Tunisie. © Hassene Dridi/AP/SIPA

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Tunisie. © Hassene Dridi/AP/SIPA

fahhd iraqi

Publié le 25 mars 2020 Lecture : 4 minutes.

Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement en stand-by au Maroc, travaux parlementaires réorganisés en Tunisie, réforme constitutionnelle algérienne suspendue… L’épidémie de coronavirus bouscule l’agenda politique et législatif des pays du Maghreb, où le nombre de cas actifs de Covid-19 ne cesse d’augmenter. Tour d’horizon de ces changements.

• Maroc : la lutte contre le Covid-19 avant tout

Le roi Mohammed VI (au centre) réitérant son appel à élaborer un nouveau modèle de développement, dans son discours prononcé le 29 juillet 2019 à Tétouan (image d'illustration). © AP/SIPA

Le roi Mohammed VI (au centre) réitérant son appel à élaborer un nouveau modèle de développement, dans son discours prononcé le 29 juillet 2019 à Tétouan (image d'illustration). © AP/SIPA

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Le Maroc devait avancer prochaines semaines sur l’élaboration du nouveau modèle de développement. En basculant dans l’état d’urgence sanitaire, avec un confinement obligatoire de la population, plusieurs dossiers ont été relégués au second plan. « Le plus urgent est de faire face à cette pandémie, reconnaît une source proche de la primature. Il y a déjà beaucoup à faire et les sujets non prioritaires peuvent attendre. » Comme le royaume concentre désormais tous ses efforts sur la lutte contre le Covid-19, la commission spéciale présidée par Chakib Benmoussa est donc désormais en stand-by.

L’urgence face à l’épidémie force le gouvernement à accélérer le rythme des réunions, « mais en prenant toutes les précautions nécessaires », explique cette même source. La semaine dernière, Saâdeddine El Othmani a présidé trois conseils de gouvernement – un record -, tous consacrés à des lois reliées au Covid-19 : création du fonds spécial contre le coronavirus, pénalisation des fake-news, promulgation de l’état d’urgence sanitaire sur le territoire. Pour s’assurer de leur application immédiate, l’exécutif a opté pour la voie expresse législative, c’est-à-dire les décrets-lois.

« Ces décrets-lois entrent immédiatement en vigueur après avis des commissions parlementaires concernées, explique un député. C’est un mécanisme légal auquel le gouvernement a généralement recours dans les situations d’urgence, et en période de vacances parlementaires. » Ce qui est le cas actuellement au Maroc. D’autant que ces vacances risquent de se prolonger : la session de printemps, censée ouvrir le 10 avril prochain, est d’emblée compromise par l’état d’urgence en vigueur jusqu’au 20 avril.

Au sein des partis politiques, on est bien conscient de l’ampleur de cette crise qui a d’ailleurs réunifiée les rangs de l’opposition et de la majorité. Dans un communiqué conjoint, les formations représentées au Parlement se sont dites « disposées à apporter leur plein soutien à travers leurs groupes parlementaires dans les deux Chambres et l’activation de tous les mécanismes de l’action parlementaire législative et légale. »

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• Tunisie : une Assemblée au ralenti

Rached Ghannouchi, le nouveau président du Parlement tunisien, le 13 novembre 2019. © Compte Twitter de Rached Ghannouchi

Rached Ghannouchi, le nouveau président du Parlement tunisien, le 13 novembre 2019. © Compte Twitter de Rached Ghannouchi

Rien de tel en Tunisie, où l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) siège toujours, à un rythme certes ralenti. Le temps législatif est exclusivement consacré aux urgences en matière de prévention et de santé. Contrairement au Maroc, la volonté du chef du gouvernement tunisien, Elyès Fakhfakh, de recourir durant deux mois aux décrets-lois suscite des remous. Rejeté par Ennahdha, le projet est source d’âpres tensions entre l’exécutif et le législatif, lesquelles pourraient rejaillir sur les débats autour de la loi de finances complémentaire, indispensable pour hisser le budget au niveau réclamé par la gestion de l’épidémie.

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La réorganisation des travaux parlementaires a mis en sourdine nombre de textes, dont la réforme de l’administration et la décentralisation, reportées sine die. L’amendement du code électoral – pour hisser à 5 % le seuil de représentativité à l’Assemblée – a été renvoyé pour révision devant la commission du règlement intérieur, de l’immunité et des lois électorales. Et le redémarrage des procédures de mise en place d’une Cour constitutionnelle – dont l’absence depuis 2014 fait cruellement défaut – a calé. Aucune suite n’a été donnée à l’appel à candidature lancé début mars.

• Algérie : une réforme constitutionnelle reportée

Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse à Alger, le 24 novembre 2019. © Fateh Guidoum/AP/SIPA

Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse à Alger, le 24 novembre 2019. © Fateh Guidoum/AP/SIPA

En Algérie aussi, l’initiative constitutionnelle est comme suspendue. Annoncée pour mi-mars, une première mouture de réforme a finalement été remise au chef de l’État Abdelmadjid Tebboune, le 24 mars. Sa publication, en revanche, est reportée « jusqu’à ce que les conditions s’améliorent », pour reprendre les termes du communiqué présidentiel.

Depuis que la crise du Covid-19 s’est intensifiée, ce projet central d’Abdelmadjid Tebboune a été mis en pause. « Vu le contexte que traverse le pays en affrontant la pandémie du coronavirus, la distribution du document aux personnalités nationales, aux chefs de partis politiques, aux syndicats, aux associations, aux organisations de la société civile et aux médias a été reportée », note le communiqué. Ni la révision de la Constitution ni celle de la loi électorale – autre chantier d’ampleur – n’ont été mentionnées lors des deux derniers conseils des ministres, consacrés en majorité à la gestion de la pandémie.

Abdelmadjid Tebboune a par ailleurs informé ses ministres lors du conseil du 22 mars de sa décision de reporter l’examen du projet de loi de finances complémentaire jusqu’à « l’évaluation des répercussions » des mesures financières prises récemment et de l’évolution de la situation mondiale, notamment en ce qui concerne les cours des hydrocarbures, le baril se maintenant sous les 30 dollars ces deux dernières semaines.

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