Sénégal : face au coronavirus, Macky Sall tente l’union sacrée avec l’opposition
Les représentants de l’opposition se sont succédé ce mardi au palais présidentiel pour une série de concertations avec le chef de l’État. Avec un objectif, du côté de l’exécutif : obtenir leur assentiment pour pouvoir légiférer par ordonnances sur les mesures à prendre face à la pandémie de Covid-19.
Les attaques portées en février 2019 contre un Macky Sall fraîchement réélu à la tête du pays semblaient bien loin ce mardi 24 mars. Un an et un mois jour pour jour après le scrutin présidentiel, les principaux ténors de l’opposition se sont succédé autour du chef de l’État tout au long de la journée, sous les ors du palais présidentiel, pour une série de concertations portant sur les mesures à prendre dans la lutte contre le coronavirus.
Dans la matinée, Idrissa Seck, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2019, son allié Malick Gakou, mais aussi Khalifa Sall, le maire déchu de la ville de Dakar, ou encore Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle, se sont entretenus avec le chef de l’État.
État d’urgence
Issa Sall, ex-candidat du PUR à la présidentielle, ainsi que Cheikh Bara Dolly Mbacké et Tafsir Thioye respectivement président du groupe parlementaire et porte-parole du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) d’Abdoulaye Wade leur ont emboîté le pas jusque dans la soirée.
Au menu, une dizaine d’entretiens pour discuter des grandes lignes de l’état d’urgence décrété la veille au soir par Macky Sall – mais dont les détails n’ont pas encore été présentés aux Sénégalais. Un programme qui doit dépasser les frontières politiques, estime le camp présidentiel. « Le monde traverse une crise. Si, face à cela, nous ne sommes pas assez responsables pour mettre en place une synergie et conjuguer nos efforts au-delà des clivages politiques, l’humanité risque d’en souffrir », revendique Mor Ngom, ministre-conseiller du président Macky Sall.
Un message visiblement bien reçu par l’opposition, qui a massivement répondu à l’appel du président de la République. « Il s’agit d’être solidaires, nous assurons le gouvernement de notre soutien », a répondu l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, drapé dans son habituel boubou blanc, sur les marches du Palais. Ajoutant que cette pandémie serait l’occasion de « remettre en cause [les] modèles de développement et économiques ».
L’opposant Ousmane Sonko, lui, était venu avec des questions. « Sur la nature de l’état d’urgence, général ou strictement sanitaire », notamment, ou encore sur l’origine du fonds de 1 000 milliards de francs CFA annoncé par Macky Sall pour faire face à la crise. S’il a rappelé que la période appelait « chacun de nous au sens de la responsabilité et surtout au dépassement de ses convictions », Ousmane Sonko n’en a pas moins revêtu son costume de chantre de la transparence. « En aucun cas il ne faudrait qu’un seul franc destiné à ce combat ne se retrouve ailleurs », a-t-il lancé, appelant à une gestion rigoureuse.
L’eau destinée à éteindre le feu n’a pas besoin d’être filtrée
Au-delà de la concertation concernant ces mesures, cette salve de réunions doit aboutir à un vote crucial de l’Assemblée nationale. Le 23 mars, le chef de l’État a en effet annoncé vouloir saisir l’hémicycle, « conformément à l’article 77 de la Constitution [qui l’autorise ] à prendre, pour une durée de trois mois, des mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux impératifs d’ordre budgétaire, économique, social, sanitaire et sécuritaire de la lutte contre le Covid-19 ». Un texte qui, s’il est voté, permettrait à Macky Sall de légiférer par ordonnances, sans passer par l’Assemblée nationale.
« Il s’agit désormais de ne pas trop débattre […] ; l’eau destinée à éteindre le feu n’a pas besoin d’être filtrée », a résumé Idrissa Seck en quittant le Palais de la République, appelant à voter en faveur de ce texte, « pour permettre au président de la République d’avoir tous les outils nécessaires pour mettre en œuvre le plan Force Covid-19 ».
« Quand le Sénégal est en jeu, aucun enjeu partisan ne peut être pris en compte. C’est la raison pour laquelle nous adhérons à l’appel pour l’unité nationale », a surenchéri Malick Gakou, le président du Grand Parti, à l’issue de son entretien avec Macky Sall.
Pas de blanc-seing
Un avis que ne partage pas Ousmane Sonko. Contacté par Jeune Afrique, il confie être « pour la concertation, sans toutefois donner un blanc-seing à Macky Sall », via l’article 77 de la Constitution. « Je dis oui à l’état d’urgence sanitaire, mais clairement non à la légifération par décrets et ordonnances. Ce n’est le cas nulle part dans le monde, même dans les pays lourdement impactés comme la France », s’insurge le leader du Pastef.
Un première craquelure sur le vernis de l’union nationale prônée par la majorité ? « Cela va au-delà d’une forme d’union nationale, tranche Mor Ngom. Il y a aujourd’hui une forme de sauve-qui-peut. On ne peut pas continuer à parler de politique si nos vies mêmes sont menacées. Il faut penser à l’humain, tout le reste est secondaire. »
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