Le Sénégal fait sécession… jusqu’à quand ?

Dakar a définitivement coupé les liens avec l’Asecna. Le pays veut gérer seul son espace aérien et s’approprier les redevances aéroportuaires. Un bras de fer risqué.

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, au nord de Paris, le 14 mai 2008. Dieudonné Mouiri Boussoughou, le ministre gabonais des Transports et de l’Aviation civile, l’actuel président du comité des ministres qui chapeaute l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), s’envole pour le Canada. Il part rejoindre Jacques Courbin, le directeur général de l’institution panafricaine, qui assure depuis 1959 la sécurité de l’espace aérien de dix-sept pays d’Afrique avec l’appui de la France. Les deux hommes ont rendez-vous pour deux jours à Montréal, au siège de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci). Au menu, la situation de l’Asecna après les tentatives de dissidence : celle, avortée, de Madagascar et celle du Sénégal, effective depuis quatre jours.
Basée à Dakar, la plus ancienne institution de coopération et d’intégration africaine est en effet ballottée par d’importantes turbulences depuis l’automne 2007. Si Madagascar rentre dans le rang grâce à une convention en discussion qui se traduira par un plan de plusieurs milliards de francs CFA d’investissements sur la grande île, le pays du président Wade a engagé le bras de fer en se réappropriant son espace aérien, le 10 mai à minuit. « L’instant qui suit marquera la rupture définitive et totale du contrat particulier liant le Sénégal à l’Asecna. Toutes les taxes qui seront collectées seront gérées par notre pays », a justifié, le 9 mai au soir, le ministre des Transports, Farba Senghor, précisant que « l’Asecna prélève 76 milliards de F CFA [115 millions d’euros, NDLR] par an sur les aéroports du Sénégal ». Depuis, une administration parallèle perçoit les redevances. Et chaque jour l’Asecna fait constater la situation par huissier.

150 milliards de F CFA en 2007
Outre la sécurité aérienne des dix-sept pays membres, l’organisme panafricain gère aussi neuf des principaux aéroports de la zone (balisage, éclairage, services de secoursÂ). Dont celui de Dakar. Les compagnies aériennes qui bénéficient de ces services versent en contrepartie des redevances (plus de 150 milliards de F CFA en 2007), réparties à parité entre l’institution et les pays membres. « L’Asecna n’est pas une machine à faire des bénéfices. Depuis cinquante ans, le résultat d’exploitation est réinvesti pour assurer notre mission de sécurité aérienne », expliquait à Jeune Afrique Jacques Courbin, lorsque les premières tensions ont éclaté avec le Sénégal, en novembre 2007.
Mais l’an passé, le résultat d’exploitation, à 14,5 milliards de F CFA, a suscité des convoitises. L’Asecna a prévu de les engager dans un plan quinquennal d’investissement. De son côté, le Sénégal, avec un temps Madagascar, lance une OPA sur la somme en se transformant en aiguilleur du ciel. Il veut renégocier le mode de répartition des redevances et les percevoir directement. « Le Sénégal a besoin d’argent et il se croit propriétaire de la zone d’informations en vol au-dessus de son territoire. Ce qui est inexact. Il s’imagine assis sur un pactole alors qu’il n’en est que le gérant. Si le pays quitte l’Asecna, il ne lui restera que 7 % des recettes de la gestion de son espace aérien », rectifie un protagoniste des discussions entre l’Asecna et le pays dissident. Car, comme six autres pays de la zone, le Sénégal est un centre régional qui gère aussi les informations en vol (FRI) pour la Mauritanie, le Mali, une partie du Niger et la zone maritime de l’Atlantique qui s’étend de la Mauritanie à la Gambie.
Le prochain comité des ministres, le 11 juillet, à Malabo, qui verra la Guinée équatoriale prendre la présidence du Conseil des ministres de l’Asecna, risque d’être houleux. « Le Sénégal est dans l’illégalité. Farba Senghor devra s’expliquer sur son coup de force devant le comité des ministres », lâche un acteur de ces événements. Mais tout sera tranché en novembre lors d’une réunion en Afrique du Sud. Si le Sénégal persistait, l’Oaci pourrait confier à un autre pays la zone aérienne couverte depuis Dakar. Et le siège de l’Asecna et ses 3 000 emplois pourraient quitter le pays.

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