Le match Turquie-Iran

Deux fois plus vaste et presque aussi peuplée, la République islamique, malgré sa richesse pétrolière, produit deux fois moins que sa voisine de l’ouest. Explications.

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Deux histoires au début parallèles, mais qui divergent à la fin. L’Empire perse a toujours rivalisé avec l’Empire ottoman jusqu’à la Première Guerre mondiale. C’est Mustapha Kemal qui engage le premier la modernisation de son pays, en 1923, avant d’être nommé Atatürk (« Père des Turcs ») en 1934. Reza Shah Pahlavi prend le pouvoir en 1925 et entame la transformation radicale de la Perse, qui prend le nom d’Iran en 1935.
Dans sa course au développement à l’occidentale, la Turquie poursuivra l’oeuvre d’Atatürk (qui meurt en 1938, à l’âge de 58 ans) jusqu’à son terme : adhésion à l’Alliance atlantique (Otan) en 1952 et association avec la Communauté économique européenne (CEE) en 1964. L’Iran fera le chemin inverse après la chute de la dynastie Pahlavi (1979) et l’arrivée au pouvoir des islamistes.
Ces deux pays, qui partagent une frontière commune de 500 km, sont de taille très différente : l’Iran domine avec 1 648 000 km2, contre 780 580 km2 pour la Turquie. Mais ils ont le même poids démographique (75 millions d’habitants pour la Turquie, 72 millions pour l’Iran). À l’horizon 2050, l’Iran reprendra le dessus (102 millions, contre 101) en raison d’une croissance légèrement plus forte. La population iranienne est, aujourd’hui, nettement plus jeune : dans la tranche des 15-29 ans, l’Iran pèse 20 % de plus que la Turquie (25 millions d’individus, contre 20). L’espérance de vie à la naissance est meilleure en Turquie : 73 ans, contre 71.
Il en va de même pour l’éducation : un jeune sur trois est inscrit à l’université en Turquie, contre un sur quatre en Iran. L’écart est de 5 % au niveau de l’alphabétisation générale (87,4 % en Turquie, contre 82,4 %). En matière de développement humain, selon une combinaison des niveaux d’éducation, de santé et de revenu, réalisée par les Nations unies, la Turquie se classe au 84e rang mondial (indice 0,775 sur 1), assez loin devant l’Iran (94e rang, 0,759). Malgré ses ressources pétrolières, l’Iran demeure marqué par la pauvreté : 40 % de la population vit en dessous du seuil national de pauvreté, contre 27 % en Turquie. À la décharge des autorités iraniennes, le pays a beaucoup souffert de la guerre que lui a livrée son voisin irakien de 1980 à 1988. Et il continue à souffrir aujourd’hui de la « guerre antiterroriste » que lui mènent les États-Unis et ses alliés européens depuis la chute de Saddam Hussein.
Cette situation se répercute évidemment sur l’économie : l’Iran perd totalement le « match » face à la Turquie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que la population active est à peu près la même (25 millions), le produit intérieur brut (PIB) réalisé est deux fois plus élevé en Turquie : 757 milliards de dollars attendus en 2008 (aux taux de change actuels), contre 325 milliards pour l’Iran. En ramenant les prix au même niveau (parité de pouvoir d’achat, PPA), l’écart se réduit à peine : 1 140 milliards, contre 700 milliards. Par habitant, cela donne 15 300 dollars PPA pour la Turquie, soit 5 600 dollars de plus que son voisin.
La différence tient pour beaucoup à la puissance industrielle de la Turquie, qui exporte plus que l’Iran en dépit de la hausse formidable des prix du pétrole et du gaz, principales matières premières vendues à l’état brut par ce dernier pays. Ouverte, la Turquie reçoit vingt fois plus d’investissements étrangers que l’Iran (où les projets se limitent à l’exploration pétrolière).
Dernier aspect de cette comparaison, le volet militaire : les budgets engagés sont équivalents en termes financiers (11 milliards de dollars par an) mais, là aussi, les forces de frappe sont inégales : Ankara dispose de beaucoup plus d’avions de combat (445, contre 286), de dix fois plus de lanceurs de missiles, de quatre fois plus de véhicules blindés, et de deux fois plus de navires de guerre.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires