À la conquête de l’Asie
Mangas, dessins animés, jeux vidéo, Pokémons et sushis : la culture populaire nippone est à la fois une industrie florissante et un formidable outil d’influence.
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Nourriture saine par excellence, la gastronomie japonaise est furieusement tendance, et sushis, makis, tempuras, yakitoris et autres noodles (nouilles) ont envahi les assiettes. Mais cet engouement est tout sauf anecdotique. Car, bien au-delà de sa nourriture, c’est toute la culture populaire nippone, génériquement baptisée Japan Cool, qui est désormais en passe d’inonder la planète.
Le Japon est subrepticement passé du statut de superpuissance économique à celui de superpuissance culturelle. Près de 60 % de la production mondiale de dessins animés vient de l’archipel. La moitié des bandes dessinées vendues aujourd’hui en France sont des mangas. Longtemps dénigrées par les « puristes », ces formes d’animation ont accédé à la reconnaissance internationale. En 2002, Le Voyage de Chihiro, de Hayao Miyazaki, a remporté l’Ours d’or au festival de Berlin. En 2004, Ghost in the Shell 2 a été présenté en compétition officielle à Cannes. Sony et Nintendo règnent sans partage sur le marché des consoles de jeux et, en 2005, le Japon avait exporté 218 millions de jeux vidéo. Symbole et emblème du kawaii, adjectif japonais signifiant approximativement « mignon », le chaton blanc et rose sans bouche Hello Kitty a été décliné à travers environ 50 000 produits différents (accessoires, vêtements, jouets, etc.) et représente un chiffre d’affaires annuel approchant le milliard d’euros pour Sanrio, la société détentrice des droits. Un autre signe sans équivoque du rayonnement culturel du Japon vient d’Hollywood. L’action de Kill Bill (Quentin Tarantino), de Lost in Translation (Sofia Coppola) et de Babel (Alejandro Gonzàlez Iñàrritu), trois des gros succès récents du cinéma américain, se déroule partiellement ou entièrement sur l’archipel. La mièvre « Jpop », qui n’a pas encore déferlé sur l’Occident, connaît en Asie un succès grandissant. La jeunesse asiatique, à l’affût des nouvelles tendances vestimentaires, a les yeux braqués sur ce qui se passe dans les avenues de Shibuya ou les ruelles de Harajuku, les quartiers phares de la subculture tokyoïte. Une curiosité qui vire souvent à la fascination.
D’abord sceptiques, les pouvoirs publics japonais ont fini par prendre conscience de l’impact économique considérable de l’industrie du contenu. Des chercheurs de l’institut Marubeni ont estimé que le secteur du divertissement contribuait à hauteur d’environ 10 % au PIB et ont remarqué une progression de 300 % des exportations culturelles japonaises depuis 1992 – contre à peine 20 % pour les produits manufacturés. Mais, au-delà des royalties, le Japan Cool est une formidable vitrine pour le pays. Et un incontestable vecteur d’influence politique : par opposition au hard power, qui repose essentiellement sur la coercition militaire et l’incitation économique et financière, le soft power, qui repose principalement sur le pouvoir d’attraction culturel, peut aider l’archipel à dépasser les antagonismes hérités de l’Histoire et à se réconcilier avec ses voisins. Car, cela ne fait plus de doute maintenant : l’avenir de l’archipel se situe d’abord en Asie. Les jeunes Japonais l’ont bien compris. Pragmatiques, ils sont de plus en plus nombreuxÂÂ à apprendre le chinois.
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