Israël sur le tapis rouge

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 2 minutes.

Au début du film, des chiens, l’air féroce, courent à vive allure vers une maison devant laquelle ils s’arrêtent et aboient. À l’intérieur se trouve un homme, soudain encerclé par une meute hostile. Cette situation angoissante, on le découvre rapidement, est la scène finale d’un cauchemar. Un cauchemar récurrent, à tel point que le rêveur connaît parfaitement le nombre des molosses : ils sont vingt-six. Pourquoi vingt-six ? Et que lui veulent-ils ?
Le rêveur explique à un ami, qui n’est autre qu’Ari Folman, le réalisateur du film, que ces chiens veulent se venger de lui. Soldat israélien pendant la première guerre du Liban, en 1982, mais réfractaire déclaré à l’idée de tuer des hommes, il avait été chargé par son supérieur de tirer sur des chiens pour les faire taire alors que son unité s’approchait d’un groupe d’habitations. Il en avait abattu précisément vingt-sixÂ

Remède à l’amnésie
Ainsi commence Valse avec Bachir, qui, bien sûr, n’est pas un film d’horreur mais un documentaire israélien sur la première guerre du Liban. Laquelle, comme l’on sait, aboutira au massacre de Sabra et Chatila. Le film prend la forme d’une enquête. À l’époque, Folman était lui aussi soldat. Son unité était même stationnée à une centaine de mètres des camps palestiniens martyrs. N’ayant conservé aucun souvenir précis de ce qu’il avait pu faire ou voir à l’époque, il a entrepris de retrouver d’anciens compagnons d’armes. Leurs récits des horreurs de la guerre finiront par lui faire retrouver la mémoireÂ

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Quatre ans de travail
Si la projection de Valse avec Bachir a provoqué un véritable choc, le premier jour du festival, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit d’une évocation saisissante de l’invasion du Liban par Tsahal. Ce documentaire n’est pas, en effet, réaliste au sens classique du terme : il est entièrement dessiné. Logique, dira-t-on. Face à l’oubli, il faut recréer ce réel qu’on ne parvient plus à enregistrer. Ce que permet, mieux que tout autre moyen d’expression, le dessin. L’opération a demandé à son auteur quatre ans d’efforts. Mais c’est une réussite totale.
Pionnier du documentaire d’animation, Valse avec Bachir apparaît comme emblématique de la richesse et de la créativité du cinéma israélien d’aujourd’hui. Le jour de sa présentation, le 15 mai, il a d’ailleurs partagé la vedette avec un autre film made in Israel présenté en ouverture de la Semaine de la critique. Moins original – il ressemble à du théâtre filmé -, Les Sept Jours, de Ronit et Shlomi Elkabetz, n’en est pas moins, lui aussi, un film choc. Il raconte, un peu à la manière du Danois Thomas Vinterberg dans Festen, une réunion de famille tournant peu à peu au règlement de comptes sans merci. L’occasion de dénoncer au passage bien des travers de la société israélienne.
Déjà deux fois lauréat de la Caméra d’or (le prix du premier film) ces dernières années, le cinéma israélien continue donc sa percée. Ce qui démontre que vivre dans un état de crise quasi permanent n’est pas un obstacle à la bonne santé d’une cinématographie. Surtout quand l’État, comme c’est ici le cas, considère qu’il s’agit d’un secteur culturel fondamental qu’il convient de soutenir, sans chercher à le contrôler.

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