Flambée sur les prix du riz
« La production mondiale de riz paddy (le produit à l’état brut) pour 2008 pourrait s’accroître de 2,3 %, atteignant un niveau record de 666 millions de tonnes », a indiqué la FAO dans son dernier rapport, paru le 12 mai. Ce qui représente l’équivalent de 444 millions de tonnes de riz blanchi. Avec une demande estimée à 437 millions de tonnes, l’organisme des Nations unies anticipe une reconstitution des stocks mondiaux (à 105,2 millions de tonnes), après plusieurs années de recul. Toutefois, le cyclone Nargis, qui a dévasté, les 2 et 3 mai, le delta de l’Irrawaddy, le grenier à riz de la Birmanie, pourrait affecter les perspectives de production à l’échelle mondiale. Les exportations birmanes de riz, anticipées à 600 000 tonnes par la FAO, vont être annulées. Et le pays pourrait même devenir importateur net dans les mois à venir.
Après avoir flirté avec les 25 dollars les 100 livres de riz sur le Chicago Board of Trade, le 23 avril, les cours s’étaient repliés vers les 20 dollars. Mais la crise birmane a relancé la machine à près de 23 dollars. Soit un bond de 64 % depuis le début de l’année, malgré le récent mouvement de Yo-Yo. Face à l’envolée des cours – la tonne de riz de référence (Fob Bangkok) a bondi de 30 % en une seule séance à 760 dollars en mars dernier -, les principaux pays producteurs ont décidé de limiter voire d’interdire les exportations afin d’assurer l’approvisionnement de leur population tout en limitant la hausse des prix. « Les gouvernements asiatiques sont désormais conscients du rapport étroit qu’il existe entre stabilité politique et stabilité du prix du riz », explique Jonathan Pincus, le chef économiste du Programme de développement des Nations unies au Vietnam.
En Afrique, où la céréale constitue l’alimentation de base, la hausse des cours fait craindre le pire depuis le début de l’année : + 400 % en Somalie, + 50 % en Côte d’Ivoire, + 45 % au Sénégal ou + 42 % en Mauritanie. En quelques semaines, la flambée des prix a entraîné en Afrique de l’Ouest plusieurs dizaines de morts au cours d’émeutes de la faim. En réaction, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Burkina et le Liberia ont diminué ou suspendu temporairement les droits de douane et la TVA sur plusieurs produits de première nécessité. En plus de ces mesures d’urgence, le président ivoirien a engagé les commerçants à faire preuve de civisme en rognant sur leur marge.
Mais la solution réside dans la capacité de l’Afrique à relancer ses cultures vivrières afin d’assurer son indépendance alimentaire. Dans ce but, la Côte d’Ivoire initie un projet de développement de la culture rizicole dans le nord du pays. Le gouvernement malien a débloqué 45 milliards de F CFA (108 millions de dollars) pour l’irrigation, l’achat d’engrais et de semences à haut rendement, avec pour objectif d’augmenter la production de paddy de 50 % cette année. Un plan de réhabilitation des exploitations et de développement de l’irrigation a été initié par le Ghana Irrigation Development Authority, qui devrait permettre la production de 280 000 tonnes de riz cette année, contre 240 000 en 2007. Enfin, la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) du président sénégalais, Abdoulaye Wade, prévoit d’assurer l’indépendance alimentaire du pays à l’horizon 2010. Une initiative estimée à 344,7 milliards de F CFA.
La marge de manoeuvre est grande tant d’importants espaces sont encore inexploités. En Afrique de l’Ouest, 55 millions d’hectares sont cultivés, alors que les terres arables sont évaluées à 236 millions d’hectares. Les rendements sont parmi les plus faibles au monde avec 10 quintaux de riz à l’hectare contre 30 en moyenne dans le monde et 100 en France. « L’Afrique consomme 50 millions de tonnes de riz par an, dont la moitié est importée du Vietnam et de Thaïlande. Il faut augmenter la productivité agricole, c’est la réponse sur le long terme », affirme Donald Kaberuka, le président de la BAD.
Dans l’immédiat, en revanche, il n’est pas sûr que les leviers économiques qu’actionnement les gouvernements soient suffisants. « Si les prix continuent de monter, là, ce sera la bagarre », met en garde Abou Dieng, le représentant du Programme alimentaire mondial en Côte d’Ivoire. Pour Eugène Nyambal, conseiller pour l’Afrique du FMI, la situation est le résultat des politiques prônées par les institutions financières internationales. « Depuis des décennies, elles ont encouragé les cultures d’exportation, comme le coton, au détriment des cultures vivrières qu’il était plus avantageux d’acquérir, à bas prix, sur le marché international », conclut-il.
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