Dérapage non contrôlé
C’est une femme de pouvoir. Elle le montre chaque jour depuis qu’elle y a accédé, derrière son mari jusqu’à la fin du siècle dernier, devant lui ou à ses côtés depuis qu’il a quitté la présidence : Hillary Clinton.
J’en pense du mal bien qu’elle se dise de gauche. Elle a en effet donné l’impression de vouloir exercer le pouvoir à la Golda Meir (d’Israël) ou à la Margaret Thatcher (du Royaume-Uni) : deux femmes au tempérament autoritaire qui, en voulant montrer au monde que des femmes savent être plus « viriles » encore que les hommes, ont exercé le pouvoir à la manière d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Hillary Clinton n’est pour l’heure que candidate à l’investiture de son parti. Elle se bat depuis plus de six mois, bec et ongles, pour obtenir cette désignation qui lui permettrait de briguer la présidence des États-Unis avec des chances sérieuses de se retrouver à la Maison Blanche, mais, cette fois, comme numéro un.
Dans ce cas, les États-Unis auront vécu, à partir de 1988 (et jusqu’en 2012 ou 2016), soit une génération entière, avec à leur tête un chassé-croisé Bush-Clinton-Bush-Clinton.
Comment s’étonner que le corps électoral regimbe devant une telle perspective et envoie des signaux à Hillary Clinton indiquant qu’on ne veut pas d’elle, qu’on a faim de changement ?
Sur la scène politique, un nouveau venu incarne ce changement : Barack Obama. De père noir (musulman, originaire du Kenya) et de mère blanche, il est jeune (46 ans) et fait vibrer la jeunesse américaine.
Hillary a multiplié à son endroit les coups bas, à la limite du racisme et de la diffamation.
– Sachez-le, dit-elle en privé et en cercle limité, les Blancs américains ne voteront pas pour ce « guy » noir. Si les démocrates le désignent, ils regretteront leur décision en novembre.
Début mai, faisant du forcing pour gagner des voix, elle en est arrivée au dérapage absolu. Jugez-en.
Un journaliste lui a demandé : Que feriez-vous si l’Iran lançait une attaque nucléaire contre Israël ?
Il était aisé à Hillary Clinton de répondre calmement et sagement qu’une telle situation ne risquait pas de se produire : l’Iran n’était pas encore – et ne serait pas dans les quatre ans qui viennent – une puissance à même de se lancer dans une guerre nucléaire contre un pays, Israël, qui avait les moyens de se défendre et pouvait, de surcroît, compter sur l’appui des États-Unis.
Au lieu de cela, cherchant désespérément à rallier à sa candidature ce qu’on appelle l’électorat juif, ainsi que le financement et l’appui israélien qu’il assure, la sénatrice de New York s’est laissée aller à dire ceci, que je trouve à la fois grave et déshonorant :
– Je veux que les Iraniens sachent que [dans ce cas], si je suis présidente des États-Unis, nous les attaquerons et les « oblitérerons » (sic) complètement.
Qui peut respecter la personne qui ose dire à la face du monde que, lorsqu’on lui en donnera le pouvoir, elle ne sanctionnera pas des dirigeants iraniens coupables d’une agression mais « annihilera » une nation de 70 millions d’hommes, de femmes et d’enfants, héritiers d’une civilisation millénaire ?
Ni George W. Bush ni Dick Cheney ne se sont laissés aller à un tel dérèglement. Cherchons plus loin encore : depuis soixante ans que l’arme nucléaire existe, aucun de ceux qui en disposent n’a, de « sang-froid », menacé de l’utiliser pour annihiler un peuple.
Pour avoir dit un peu moins que cela, le président iranien Ahmadinejad a été voué aux gémonies ; personne n’a stigmatisé la candidate à la présidence des États-Unis. Mais on tremble à l’idée qu’une personne à l’esprit aussi dévoyé puisse disposer du pouvoir nucléaireÂ
Barack Obama, que cette excitée – elle aime qu’on dise d’elle qu’« elle en a, et s’habille en conséquence » – avait cru mettre en difficulté, s’est, en tout cas, bien gardé de la suivre sur ce mauvais terrain.
Il s’est contenté de l’exhorter à la mesure :
« Les États-Unis défendront Israël si l’État hébreu est victime d’une attaque, qu’elle soit nucléaire ou non.
Hillary Clinton fait de la provocation à propos de l’Iran en menaçant de Ârayer le pays de la carte s’il attaquait Israël. C’est de la politique étrangère fondée sur la menace et des propos incendiaires. On croit entendre George W. Bush. »
C’est bien envoyé, et l’auteur de cette réplique mérite, lui, d’être à la tête du pays le plus puissant de la planète.
Les observateurs de la scène électorale américaine sont unanimes : Hillary Clinton ne peut plus gagner l’investiture du Parti démocrate. Pourquoi se maintient-elle alors dans la course, au-delà du raisonnable ? Pourquoi s’accroche-t-elle à la compétition, au risque évident de faire perdre son camp ?
Le célèbre stratège électoral Karl Rove, auquel on attribue l’exploit d’avoir fait élire et réélire George W. Bush – dont il serait, dit-on non sans malice, « le cerveau » -, observe du côté du Parti républicain les deux candidats démocrates.
Dans une interview récente, il décrit Hillary Clinton et porte sur elle ce jugement que je trouve sévère, mais juste :
– Obama est-il capable d’être président ? Hillary a estimé qu’il fallait poser le problème. Tous ses conseillers ont alors mis le doigt sur le manque d’expérience d’Obama, et ils étaient plutôt agressifs.
– Je pensais que ses défauts n’apparaîtraient qu’après sa désignation par son Parti, qui paraissait probable. Je n’imaginais pas qu’ils se manifesteraient aussi vite et de façon aussi évidente.
Quels défauts ? Trop de calcul. Elle a eu la période où elle a eu le rire calculé, la période où elle a eu les accents calculés. C’est une personne qui avait déjà la réputation de tout calculer, ça fait beaucoup Trop calculer, c’est très mauvais si, comme c’est le cas, ça sent le fabriqué.
À ça, ajoutez sa conviction que tout lui est permis. Elle se dit : « C’est à moi, je le mérite bien. On est les Clinton. Tout ça, c’est pour nous. »
Les années 1990 avaient du bon, mais est-ce que les Américains ont vraiment envie de remettre ça ? Je ne le crois pas.
Il paraît évident que la majorité des Américains, qu’ils soient républicains ou démocrates, n’ont pas envie de revivre les années Clinton, encore moins celles que George W. Bush vient d’écrire.
Feront-ils pour autant le saut Obama ? Y aura-t-il parmi eux assez de Blancs pour démentir Hillary Clinton et, en novembre prochain, voter Obama, contribuant ainsi à porter pour la première fois dans l’histoire des États-Unis un Noir à la présidence ?
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