Comment contenir la pandémie en Afrique : le diagnostic des scientifiques de l’OMS et de l’UA
Face à la pandémie de Covid-19 qui se propage en Afrique, il reste possible d’empêcher une explosion incontrôlée, mais des mesures rigoureuses doivent être prises. C’est le diagnostic que posent les experts de l’OMS, de l’Union africaine et du Forum économique mondial.
La situation évolue maintenant très rapidement en Afrique : le continent ne comptait qu’un pays concerné il y a un mois, ils sont aujourd’hui au nombre de 40 et on enregistre en moyenne 300 nouveaux cas chaque jour. Mais la contagion peut encore être contenue si les mesures adéquates sont prises et appliquées, tant au niveau politique que sanitaire.
C’est l’appel qu’ont lancé jeudi 26 mars les experts de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), du Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies (Africa CDC, rattaché à l’Union africaine) et du Forum économique mondial, qui se sont réunis à Genève pour établir un diagnostic commun de la situation de la pandémie en Afrique.
Les scientifiques préviennent cependant que cette lutte devra, si elle veut être efficace, passer par une nécessaire solidarité mondiale. L’Afrique n’a pas la capacité de produire tous les équipements indispensables à la lutte et appelle l’Asie, l’Europe et l’Amérique à l’aider. Dans le cas des États-Unis, où le virus est en train de se propager à une vitesse inédite, cet appel risque malheureusement de ne guère être entendu.
Voici les principaux sujets sur lesquels les experts ont livré les dernières informations disponibles.
• Quelles mesures doivent être prises dans chaque pays ?
Le continent dispose encore d’une « fenêtre de tir » pour se protéger
Pour le Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, les mesures clés sont les suivantes : identifier les cas d’infection au Covid-19, les isoler et les traiter, retrouver les personnes avec qui ils ont été en contact et prendre des mesures générales de confinement.
Elle insiste sur le fait que la plupart des cas enregistrés sont encore des cas « importés » par des personnes venant d’Europe. Ce qui rend leur identification relativement plus facile que s’il s’agissait de contagions locales (qui existent également, mais en plus petite proportion).
Le continent dispose donc encore d’une « fenêtre de tir » pour se protéger. Mais il faut anticiper l’éclosion de cas plus nombreux, ce qui pose des difficultés particulières dans les pays très peuplés (Nigeria, Égypte, RDC…) où les moyens disponibles dans les grandes villes doivent parfois être déplacés vers d’autres régions, ce qui implique la création de « corridors humanitaires ».
• Certains pays minimisent-ils sciemment le nombre de malades ?
Les pays se montrent très impliqués et n’ont aucune raison de sous-estimer la pandémie
Question souvent posée, que les experts rejettent unanimement. Pour John Nkengasong, directeur de l’Africa CDC, tous les pays se montrent très impliqués et n’ont aucune raison de sous-estimer la pandémie.
Il ne croit pas non plus que des cas puissent échapper à la détection, hormis de façon marginale ou s’il s’agit de patients totalement asymptomatiques.
Les experts soulignent que 25 pays du continent sont engagés dans un programme commun d’observation de la grippe qui est capable de repérer les symptômes du Covid-19 et de partager rapidement l’information.
• La chloroquine est-elle efficace et va-t-elle être rapidement autorisée ?
La chloroquine est « prometteuse », mais toutes les données doivent être étudiées
Les chercheurs s’avouent soumis à « une forte pression » sur le sujet de la part de plusieurs pays, dont certains l’utilisent déjà.
À ce stade, explique Michel Yao, le responsable des opérations d’urgence de l’OMS en Afrique, la chloroquine « fait partie des quatre protocoles testés » et est considérée comme « prometteuse ».
Mais ce qui est observé en laboratoire – où le traitement paraît efficace – doit encore être validé sur des patients et toutes les données doivent être étudiées, y compris concernant les effets secondaires. Les grandes institutions estiment donc ne pas être encore « en mesure de recommander » son utilisation.
• Le confinement est-il efficace et réaliste en Afrique ?
Il faut s’adapter au contexte et, dans certaines régions, mieux vaut autoriser les gens à sortir
Pour le Dr Samba Sow, envoyé spécial de l’OMS en Afrique et directeur du Centre malien de développement des vaccins, l’idée du confinement à domicile pose question dans certains pays, notamment au Mali où, souligne-t-il, des familles parfois très nombreuses vivent sous le même toit.
Peut-on alors parler de confinement ? D’isolement ? Il en doute, estime qu’il faut s’adapter au contexte et que dans certaines régions, mieux vaut sans doute autoriser les gens à sortir de chez eux.
Il souligne aussi le danger que représente une telle mesure pour les personnes économiquement fragiles et dont la survie dépend d’une activité journalière : agriculteurs, petits commerçants…
• Comment résoudre le problème de la pénurie de tests, et quand y aura-t-il un vaccin ?
Dans le meilleur des cas, il faudra entre 12 et 18 mois pour qu’un vaccin soit prêt
L’Afrique ne possède pas assez de kits de tests, mais la situation peut varier beaucoup d’une zone à l’autre, et les pays collaborent avec leurs voisins. Les experts estiment donc que, globalement, le continent a la capacité de tester les cas graves.
Pour ce qui est du vaccin, le Dr Samba Sow rappelle que le processus est long : « plus de trente équipes » travaillent aujourd’hui sur le sujet à travers le monde et l’effort est général. Mais dans le meilleur des cas, explique-t-il, il faudra « entre 12 et 18 mois » pour qu’un vaccin soit prêt.
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