Le défi d’un laboratoire sénégalais pour tester le coronavirus en 10 minutes

Jusqu’à 4 millions de tests vendus à prix coûtant pourraient être produits d’ici quelques mois à l’Institut Pasteur de Dakar. Ils seront réalisés par Diatropix, une plateforme spécialisée dans le diagnostic rapide des épidémies africaines, souvent négligées par la recherche.

Des passagers d’un bus à la gare routière de Colobane, à Dakar, au Sénégal, le 24 mars 2020. © AP Photo/SIPA/Sylvain Cherkaoui

Des passagers d’un bus à la gare routière de Colobane, à Dakar, au Sénégal, le 24 mars 2020. © AP Photo/SIPA/Sylvain Cherkaoui

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Publié le 28 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Diagnostiquer les malades le plus rapidement possible, pour accélérer leur prise en charge et leur isolement, afin d’endiguer la propagation du virus. De l’avis des experts, la mise à disposition massive de tests est l’une des manières les plus efficaces de contenir la pandémie mondiale de coronavirus. En Afrique, où 300 nouveaux cas sont confirmés chaque jour en moyenne, la plateforme Diatropix pourrait-elle aider à freiner la maladie ?

C’est ce qu’espère le professeur Amadou Sall, qui dirige l’Institut Pasteur de Dakar, où ont été diagnostiqués l’ensemble des malades du pays. Une analyse qui prend aujourd’hui environ 3 heures. C’est au sein de son Institut, dans un bâtiment qui vient d’être achevé, que des millions de tests capables de détecter le virus en 10 minutes pourraient être produits et redistribués sur le continent d’ici quelques mois.

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Leurs prototypes sont actuellement évalués par des laboratoires britanniques. Une fois validés, ces prototypes seront envoyés à l’institut dakarois, mais aussi en Chine, en Malaisie, en Espagne et au Brésil,  pour y être validés.

Un test rapide et accessible

Diatropix pourrait débuter la production des kits à partir du mois de juin, estiment les experts. En attendant, c’est Mologic, un partenaire britannique de l’Institut Pasteur, qui commencera à produire le matériel médical dans ses locaux basés au nord de Londres, probablement à partir du mois d’avril.

Ils seront ensuite vendus au prix coûtant, à un tarif évalué à 1 ou 2 dollars pièce, soit entre 600 et 1 200 francs CFA. L’arrivée sur le marché africain de ces tests rapides et économiques aura plusieurs avantages, selon le professeur Sall.

« Plus tôt on isole un malade, moins il a de chances de contaminer une autre personne, rappelle le virologue. De plus, ce test n’aura pas besoin de laboratoires sophistiqués ni de personnes extrêmement formées pour être réalisé. Enfin, un avantage non négligeable est qu’il peut être déployé partout, notamment dans des zones rurales. »

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Inspiré d’un test de dépistage du virus Ebola, celui-ci est constitué d’un test salivaire et d’un autre sérologique. Même si ses concepteurs s’attendent à ce qu’il soit principalement utilisé, du moins au début, par des membres du corps médical, il est suffisamment simple d’utilisation pour permettre un auto-diagnostic.

Production sur commande

Il est prévu que l’équipe de Diatropix, actuellement composée de cinq personnes, s’agrandisse en fonction des besoins de sa production. Celle-ci sera basée sur la demande, qu’elle provienne d’autorités sanitaires, d’ONG ou des États eux-mêmes.

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Selon le professeur Sall, des négociations ont d’ores et déjà débuté avec le gouvernement sénégalais pour commander les équipements. La plateforme est actuellement en capacité de produire jusqu’à 4 millions de kits. Des discussions au sujet d’une collaboration éventuelle avec d’autres sites, au Sénégal et dans d’autres pays du continent, est également en cours.

À plus de 5 000 kilomètres de l’Institut Pasteur, Joe Fitchett se félicite de ce partenariat. Le directeur médical de Mologic est en contact permanent avec ses partenaires sénégalais, à qui son équipe transmet la technologie nécessaire à l’élaboration du matériel.

« Après l’Europe et les États-Unis, une nouvelle vague potentielle arrive en Afrique et nous devons être préparés. Une façon de le faire est de s’assurer que les laboratoires soient équipés », explique-t-il.

Maladies négligées

Sur le continent africain comme ailleurs, la crise provoquée par le coronavirus met en lumière les dysfonctionnements des systèmes de santé et de la recherche. Fièvre jaune, rougeole, dengue, malaria, Ebola… En Afrique, de nombreuses maladies mortelles sont encore trop peu testées, trop lentement, ou à un coût trop élevé. C’est ce constat qui a mené au lancement de la plateforme Diatropix, en décembre 2018, soit bien avant la propagation du Covid-19.

L’initiative est supportée par plusieurs organismes : la Fondation Mérieux, la Fondation pour l’innovation et les nouveaux diagnostics, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), l’Institut Pasteur de Dakar et deux partenaires de transferts de technologie (Mologic et bioMérieux).

« Notre but est de résoudre le problème de l’accès au diagnostic en Afrique, afin de mieux surveiller les maladies et lutter contre les épidémies. Beaucoup de tests n’existent pas, car certaines maladies ne suscitent pas l’intérêt des experts », déplore Amadou Sall. « Nous travaillons pour développer des tests là où il y en a besoin. Les épidémies ont quelque chose de régulier sur le continent ; c’est donc un terrain de prédilection particulier pour ce type d’initiative », souligne-t-il.

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