Abderrazak Cheraït

Maire de la ville depuis 1995, cet homme d’affaires esthète et érudit veut faire de l’oasis un pôle touristique et culturel de premier plan.

Publié le 19 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Il vous tend la main droite pendant qu’il fouille de la gauche dans sa poche. C’est une manie. Pour se donner une contenance, le maire de Tozeur a besoin de toucher quelque chose, un mouchoir ou un billet de banque, de préférence, c’est lui qui le dit. Et vous ne savez jamais si Abderrazak Cheraït parle vrai ou faux. « Je suis un maire spécial, avoue l’élu. Parce que je ne dis jamais ce qu’on attend que je dise et que mon humour déconcerte mes interlocuteurs. On s’est toujours méfié de moi. Jusqu’aux années 1970, j’arrivais dans les aéroports après mes valises parce que les douaniers me retenaient pour interrogatoire. Même pour mon mariage avec Monika, en Allemagne, je suis arrivé en retard à la cérémonie. »
Ancien « soixante-huitard », fondateur de l’Union des étudiants arabes en France, il reconnaît qu’il a toujours joui de sa liberté de parole et de mouvement : « Pour favoriser l’équilibre des régions, le nouveau régime a libéralisé l’économie, ce qui m’a permis de concrétiser mes projets. » Et d’où vient la fortune personnelle de Monsieur le Maire ? Il a l’habitude de dire qu’il est « riche de ses dettes ». Il a monté une usine de lampes Mazda, aujourd’hui en location, et possède le parc d’attractions Chak Wak (300 000 visiteurs par an), un musée et un hôtel cinq étoiles qui portent son nom, Dar Cheraït, autant d’activités qui lui permettent de vivre confortablement Ce qu’il ne manque pas de tempérer : « La croyance populaire veut que les projets touristiques soient très rentables. En réalité, nous sommes presque tous en faillite. Et puis, qui vous dit que je veux gagner de l’argent ? s’anime-t-il d’un coup. Je fais ça pour Tozeur et pour être heureux, c’est tout ! » Une chose est sûre, ce maire atypique semble heureux, en effet, et décidé à faire partager son bonheur à ses concitoyens. Il a doté Tozeur d’une infrastructure touristique de qualité, lui a décroché le titre de « Ville la plus propre de Tunisie », projette d’en faire le carrefour culturel du Sud. Et, surtout, il lui a permis d’exhiber sans complexes ses coutumes locales.

D’aucuns se souviennent du temps où l’on accusait les touristes d’être la cause des consignes étatiques visant à cacher la pauvreté ou les traditions risquant de choquer l’étranger. Ordre avait été donné dans les années 1970 de nettoyer les rues des dromadaires, de se débarrasser des chèvres et d’interdire aux charrettes de circuler. Sitôt élu, Cheraït décide de libérer les ânes, de laisser flâner les caprins et refuse de mettre les charrettes à la fourrière. Et 400 emplois sont créés dans la foulée. C’était il y a quinze ans. Aujourd’hui, les conducteurs de calèche sillonnent l’oasis, fiers de gagner leur vie.
Après avoir rétabli le circuit économique traditionnel, Cheraït s’attelle à la mise en exergue de la grandeur culturelle des Tozeurois : « Je veux rappeler que nous avons des racines profondes et une culture raffinée. C’est une manière d’aller à l’encontre de la voie tracée après l’indépendance, qui consistait à suivre le modèle occidental. » Conserver le patrimoine architectural, reconstituer le passé à travers des spectacles vivants, des musées et des animations, préférer le burnous au costume-cravate Grâce à la culture, le maire veut changer l’image du Sud, systématiquement associée au dromadaire et au palmier.
Dernier vÂu du maire, faire de sa ville une zone de shopping international : « Si chaque pays a une formule magique, celle de la Tunisie se définit dans le commerce et la culture. Et Tozeur pourrait en être l’incarnation. »

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