Tenez votre langue !
Publié le 19 mai 2003 Lecture : 1 minute.
«Saddam Hussein, Taha Yassine Ramadan et Tarek Aziz flânent sur le balcon d’un des palais de Saddam lorsque passe un vol d’oies sauvages. « Ramadan, descends-les », dit Saddam. Le vice-président saisit son kalachnikov et vide un chargeur dans le ciel. Sans toucher le moindre volatile. « À toi, Tarek », dit Saddam. Le vice-Premier ministre tire à son tour et rate les oies. « Il faut vraiment que je fasse tout ! » lance Saddam. Il tire en l’air à cinq reprises. Aucune oie ne tombe. Silence gêné. Alors, Tarek Aziz montre du doigt les oies qui repassent dans le ciel et s’écrie : « C’est incroyable ! Des oiseaux morts qui volent ! » »
Quand on racontait des histoires drôles de ce genre dans l’Irak de Saddam Hussein, on risquait la torture ou même sa vie. La peine la plus fréquente était l’amputation de la langue. On se rappelle ainsi à Bagdad ce qui est arrivé au général Omar el-Hazzaa, l’un des officiers supérieurs de confiance de Saddam. Au cours d’une partie de backgammon, en 1984, un joueur cita la mère de Saddam. « La mère de Saddam ? C’est qui ? » plaisanta Hazzaa. Saddam et ses quatre frères avaient chacun une mère différente. Tout le monde rit, mais quelqu’un moucharda. Selon des survivants de la famille qui avait fui l’Irak, Omar el-Hazzaa eut la langue coupée. Puis, ses fils connurent le même sort, sous les yeux de leurs épouses. Puis, tous les membres de la famille Hazzaa de sexe masculin furent abattus sous les yeux du général. Puis, sa femme et ses filles furent chassées de chez elles. Et lui-même fut exécuté.
Ce sort n’était pas réservé aux puissants. Ces derniers jours, à Bagdad, une pauvre famille chiite faisait une démarche auprès d’une association pour tenter de retrouver le corps d’un des fils. Elle produisait le document indiquant qu’il avait été condamné à mort « pour avoir raconté des histoires drôles témoignant d’un manque de respect pour Saddam Hussein et d’autres personnalités ». Rod Nordland
