Au Bénin, Patrice Talon assume l’impossibilité d’un confinement général

La majorité des Béninois n’a « pas les moyens » de supporter un confinement général de longue durée. C’est la conviction du président Patrice Talon, qui s’est expliqué dimanche à la télévision pour justifier son choix de ne pas recourir à cette mesure face au coronavirus.

Le président béninois Patrice Talon lors de l’enregistrement de l’entretien télévisé diffusé le dimanche 29 mars sur la riposte au coronavirus. © DR / Présidence béninoise.

Le président béninois Patrice Talon lors de l’enregistrement de l’entretien télévisé diffusé le dimanche 29 mars sur la riposte au coronavirus. © DR / Présidence béninoise.

Fiacre Vidjingninou

Publié le 30 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Tous ne sont pas égaux face au confinement. C’est en substance, ce qu’a voulu démontré le président béninois lors d’une intervention sur la télévision nationale, dimanche soir.

« Contrairement aux citoyens des pays développés d’Amérique, d’Europe et d’Asie, la grande majorité des Béninois ont un revenu non salarial. Combien de personnes au Bénin ont un salaire mensuel et qui peuvent attendre deux, trois ou quatre semaines même sans travailler et vivre des revenus du mois ? […] Comment peut-on, dans un tel contexte où la plupart de nos concitoyens donnent la popote avec les revenus de la veille, décréter sans préavis, un confinement général de longue durée ? », s’est-il interrogé, non sans reconnaître toutefois que « la situation est vraiment grave et le risque grand ».

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« Affamer tout le monde »

Et s’il a insisté sur la nécessité, face à la progression de la pandémie, de « combattre le mal et le vaincre », il a également affirmé que, dans le contexte socio-économique béninois, les mesures de confinement général seraient contre-productives. Elles auraient pour conséquence d’« affamer tout le monde à la fois et trop longtemps » et seraient en outre, de ce fait, « bravées et bafouées sans avoir permis d’atteindre les objectifs ».

Si plusieurs pays africains ont décrété des mesures de confinement, qu’il s’agisse de confinement géographiquement ciblé sur les « clusters » identifiés ou de l’idée d’un confinement « intermittent », qui a finalement été abandonnée à Kinshasa, Patrice Talon estime qu’opter pour une telle stratégie risque de « déclencher un chaos qui remettrait même en cause le minimum impératif de la lutte ».

Un constat « lucide », selon nombre de commentateurs, au lendemain de la prise de position du président béninois.

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« Il a fait une bonne analyse de la situation et j’apprécie son souci de ne pas verser dans le mimétisme et la précipitation », se félicite l’un des conseillers du président béninois. « Il est évident que nous n’avons pas la possibilité de faire comme les pays riches. Il a été réaliste », salue pour sa part Olivier Sanny, expert en communication politique, avant de prévenir : « Ce n’est cependant pas une raison pour jeter l’éponge : le gouvernement a le devoir suprême de protéger les citoyens y compris contre leur volonté. »

Le président a fait l’option de la real-politik. Mais face au Covid-19 c’est une option suicidaire

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Mais cette « lucidité » politique du président béninois est loin d’être applaudie dans les milieux médicaux. L’infectiologue Christian Padonou, notamment, est hors de lui.

« Il va de soi que le président a fait l’option de la real-politik. Mais face au Covid-19 c’est une option suicidaire », s’emporte le médecin. « Depuis le début de la pandémie, nous jouons avec le feu, et cette décision de ne pas avoir recours au confinement est, d’un point de vu sanitaire, une hérésie. »

Restrictions de déplacements

Le Bénin, qui comptait officiellement, au 30 mars, cinq cas de patients atteints par le coronavirus – tous étrangers, précisent les autorités – , a mis en place en place un comité gouvernemental chargé de suivre la progression et d’éclairer l’exécutif sur les mesures à prendre.

Une série de dispositions restreignant les déplacements sont ainsi entrés en vigueur ce lundi 30 mars : déplacements limités au strict nécessaire dans huit villes du sud dont Cotonou, Porto-Novo, Abomey-Calavi, etc. ; congés de pâques déclenchés plus tôt que prévu ; transports en commun suspendus…

Des mesures jugées insuffisantes par certaines franges de la société béninoise. En début de semaine dernière, un étudiant a même été tué dans des échauffourées avec les forces de l’ordre alors que les organisations estudiantines tentaient de bloquer à l’université pour protester contre la non fermeture des cours en cette période de pandémie. Un décès que le président béninois n’a pas abordé dans son intervention télévisée, dimanche soir.

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