Sahhafmania

L’ancien ministre irakien de l’Information aurait tenté de négocier sa reddition. En vain. Les Américains n’arrivent pas à lui en vouloir : il les a trop fait rire.

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Même George W. Bush le trouve « génial », c’est dire… Le 24 avril, le président américain a complaisamment confié que, pendant les opérations militaires en Irak, il n’aurait pour rien au monde manqué sa conférence de presse quotidienne, eût-il dû pour cela déserter une réunion de son cabinet de crise – ce qui n’aurait peut-être pas été un dommage irréparable. Mohamed Saïd el-Sahhaf, alias « Ali le Comique », à ne surtout pas confondre avec « Ali le Chimique », le sinistre Ali Hassan el-Majid, bourreau des Kurdes d’Halabja (en 1988), a fait, un mois durant, hurler de rire le monde entier.
La relation très personnelle que le ministre irakien de l’Information (sic) fit de l’irrésistible avancée vers Bagdad des « Américains infidèles » restera comme un grand moment de schizophrénie loufoque. Le 7 avril, au moment même où les forces spéciales se ruaient à l’assaut des palais présidentiels, le facétieux porte-parole, sanglé dans l’uniforme du parti Baas, annonçait, impavide, leur extermination imminente : « Nous avons tué la plupart d’entre eux… Bagdad sera leur cimetière… Dieu fait rôtir leur estomac (re-sic) en enfer… » Qui cherchait-il à abuser ? Mystère. Le lendemain, il cessait définitivement d’émettre. Le surlendemain, la capitale tombait.
En dépit (ou à cause ?) de ses hallucinations récurrentes, Sahhaf a derrière lui une longue carrière au service de Saddam Hussein. De 1993 à 2001, il fut ministre des Affaires étrangères, après avoir occupé divers postes d’ambassadeur et dirigé la télévision. Vertige rétrospectif !
Mais il a de la chance, les Américains n’arrivent pas à lui en vouloir : il les a trop fait rire. Selon deux journalistes du quotidien portugais Diaro de Noticias, qui l’ont déniché dans un quartier miséreux de Bagdad, il aurait tenté de négocier sa reddition par leur intermédiaire. La proposition a été déclinée : il ne figure pas parmi les cinquante-cinq tortionnaires sérieux dont les physionomies moustachues décorent le fameux jeu de cartes vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires à travers les États-Unis. Depuis, on est sans nouvelle de lui.
S’il en avait la possibilité, l’ancien ministre pourrait profiter de cette liberté inespérée pour contrôler l’usage débridé – et gratuit – que certains font de son image. Hero Builder, une entreprise du Connecticut, commercialise ainsi, par correspondance, des figurines à son effigie. Une version parlante est disponible au prix de 36 dollars : « Il n’y aura pas d’Américains infidèles à Bagdad, jamais. » D’autres reproduisent son portrait sur des tasses à café, des tee-shirts ou des tabliers de cuisine. Des petits malins ont même crée un site Internet : www.welovetheiraqiinformationminister.com. Bref, la Sahhafmania bat son plein et Al-Jazira, à son tour, y succombe. Jamais en retard d’un coup de pub, la chaîne d’information qatarie lui a, paraît-il, proposé un poste de commentateur. Vous souriez ? Sachez que l’ancien ministre a fait naguère des études de journalisme. Si, si.

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