Avec la disparition de Sol Kerzner, une légende de l’hôtellerie mondiale s’éteint

Des Bahamas jusqu’à Dubaï en passant par les États-Unis, le créateur du méga-complexe touristique de luxe Sun City en Afrique du Sud a dupliqué son concept partout dans le monde, en particulier au Maroc, avec Mazagan Beach Resort.

Sol Kerzner à Cape Town, en 2009. © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

Sol Kerzner à Cape Town, en 2009. © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 31 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Disparu le 21 mars à l’âge 84 ans au Cap, le magnat de l’hôtellerie sud-africain Sol Kerzner a prouvé qu’avec une dose d’audace, d’anticonformisme et de démesure, on pouvait construire un empire, commentent plusieurs observateurs du secteur.

Fondateur des chaînes Sun International, Southern Sun, One&Only (80 hôtels dans plus de douze pays), ce fils d’immigrés juifs ukrainiens, expert-comptable de formation, ouvre d’abord son premier établissement cinq étoiles, le premier du pays, en 1963 à Durban.

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Le cocktail de son succès est déjà là : luxe et divertissement. Le président de Kerzner International ne cessera d’en faire sa marque de fabrique. Car après avoir développé une franchise hôtelière en partenariat avec South Africa Breweries et racheté des réceptifs de la côte est sud-africaine, il lance en 1979 le concept de méga-resorts comprenant hôtels et casinos.

Des concepts toujours plus luxueux

« Afin de contourner la législation conservatrice, qui interdit les jeux d’argent, il adapte les pratiques des réserves indiennes américaines aux homelands, ces territoires autonomes enclavés en Afrique du Sud. Les autorités de ces zones, sortes de cités-dortoirs pour travailleurs noirs, ont en principe le droit de légiférer, et donc d’accepter la construction de casinos qui ne sont pas tolérés ailleurs par l’administration centrale. Sol Kerzner négocie ainsi la construction d’un complexe avec le chef de l’enclave du Bophuthatswana, en échange de l’exclusivité des droits de jeu » écrit Jeune Afrique en 2008. 

Ce sera Sun City, à deux heures de Johannesburg. Un complexe de loisirs de 25 hectares niché dans un parc tropical où il plante un million d’arbres, comprenant quatre hôtels cinq étoiles, un lac artificiel, des salles de jeux, une base nautique, des restaurants, des salles de spectacle où se pressent les plus grandes vedettes de l’époque comme Franck Sinatra, Liza Minelli… Puis Lost City, « un complexe encore plus délirant, perdu au milieu de la savane » écrit JA.

Le One&Only Hotel de Cape Town, Afrique du Sud © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

Le One&Only Hotel de Cape Town, Afrique du Sud © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

Moteur du développement du tourisme dans son pays, Sol Kerzner se bâtit une fortune. Mais s’attire en même temps des critiques, sur sa collusion avec le régime de l’apartheid, ainsi que des soupçons de corruption. Il s’installe à Londres.

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Une expansion des États-Unis au Maroc

Au-delà des frontières de l’Afrique du Sud, il duplique ensuite son concept de méga-resorts avec les complexes Atlantis aux Bahamas (2300 chambres) et à Dubaï (1500 chambres) en 1994 et en 1998. « Pionnier dans son genre, il a inventé le concept de destination dans la destination, bien avant que s’en empare l’industrie hôtelière américaine », commente l’expert en hôtellerie Philippe Doizelet, associé au sein du cabinet Horwath.

Bientôt imité, Sol Kerzner développe ses projets aux États-Unis, au Mexique, sur l’île chinoise d’Hainan, jusqu’au Maroc où il établit en 2009 le complexe de Mazagan Beach Resort (500 chambres) près d’El Jadida. Ciblant au départ une clientèle d’Européens fortunés et d’émirs du Golfe, le resort marocain doit cependant se repositionner après la crise financière et le printemps arabe vers une clientèle plus familiale et plus locale.

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Il fait également figure de pionnier en rachetant le Saint-Géran, à Maurice, en 1975. Une époque où l’île à peine décolonisée, essentiellement agricole, sans liaison directe avec l’Europe, n’est pas encore le lieu de villégiatures de luxe qu’elle est devenue dans les années 1980 et 1990. S’adressant toujours à une clientèle aisée, son groupe a ouvert en mars un deuxième lodge au Rwanda.

Alors qu’il était toujours animé par la folie des grandeurs, Sol Kerzner avait dû, avant de laisser les rênes en 2014 au fonds souverain dubaïote, restructurer en 2013 2,6 milliards de dettes de son groupe.

Révolutionnant l’hôtellerie mondiale, Sol Kerzner tire sa révérence au moment même où, avec la quasi-totalité des avions au sol et une industrie touristique à l’arrêt, le secteur vit le plus gros tremblement de terre de son histoire. Et où une nouvelle page de l’univers des voyages et des loisirs doit s’écrire.

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