Pessimisme interdit

Animateur et producteur d’une émission à grand succès de TF1, Ushuaïa Nature, Nicolas Hulot revient sur les raisons de son combat.

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Après cinq ans de diffusion sur TF1, la première chaîne française, Ushuaïa Nature, émission dédiée au voyage et à l’environnement, s’exporte enfin. Canal France International (CFI) a racheté les droits de l’émission. Premières diffusions sur le continent africain en juillet. Un nouveau succès donc pour Nicolas Hulot, 48 ans, dont le président français Jacques Chirac a souligné la « conviction écologiste sincère » en lui remettant, le 17 février, l’ordre national du Mérite. Aujourd’hui, il consacre son temps à son émission, bien sûr, mais aussi à la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme qu’il a créée en 1990 pour développer « l’éducation à l’environnement ». Et il ne manque jamais une occasion de conseiller Jacques Chirac sur les questions environnementales.

J.A./l’intelligent : Pourquoi menez-vous ce combat pour l’écologie ?

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Nicolas Hulot : Avant tout pour l’humanité. Ceux qui se préoccupent de préserver la nature ont compris que le sort de l’homme est indissociable de celui du reste des êtres vivants. Il ne faut pas être un grand visionnaire pour se rendre compte que la planète va mal. Au-delà de dégrader l’écosystème, l’humanité met en péril les grands équilibres de la planète (le climat, la biodiversité…) que la nature a mis des millions d’années à construire.

J.A./l’intelligent : Vous dites que l’humanité est victime du « syndrome du Titanic »…

Nicolas Hulot : Elle me fait penser à un paquebot avec, à l’étage supérieur, les pays riches qui s’amusent et refusent de voir la réalité. Au fond du bateau, la partie des sans-espoirs, qui tentent juste de se nourrir ou de ne pas souffrir – ceux-là, je ne les accuse d’aucun mal. Chacun essaie de tirer son épingle du jeu, mais personne ne se rend compte que le bateau prend l’eau.

J.A./l’intelligent : Les mentalités, pourtant, semblent évoluer…

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Nicolas Hulot : La prise de conscience du danger se diffuse largement, mais sa traduction en actes est insignifiante. Cela implique un changement radical de nos modes de consommation et de production. Sinon, ce sera l’asphyxie.

J.A./l’intelligent : Le Sommet de la Terre qui s’est tenu à Johannesburg en août 2002 est-il un exemple de cet attentisme ?

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Nicolas Hulot : C’est un exemple de notre inertie culturelle. Depuis le premier Sommet de la Terre à Rio, en 1992, on aurait dû agir. Johannesburg n’a pas été inutile, mais lorsqu’on est dans l’urgence, on se passerait bien de ces sommets aux moissons si médiocres.

J.A./l’intelligent : La politique peut-elle faire avancer les choses ?

Nicolas Hulot : Sans doute. Il ne faut pas lui accorder tous les vices ni toutes les vertus. Les hommes politiques sont d’ailleurs un peu le miroir de notre société. Mais ils manquent de vision à long terme.

J.A./l’intelligent : Vous êtes pourtant un proche conseiller de Jacques Chirac…

Nicolas Hulot : Oui, on se parle et on se voit souvent. Mais cela ne signifie ni allégeance ni adhésion politique. J’ai gardé ma liberté de jugement et d’expression. L’engagement de Chirac à Johannesburg est probablement le fruit de ces années de discussions [le président français a notamment proposé un « prélèvement de solidarité sur les richesses engendrées par la mondialisation » et préconisé la création d’un organisme international pour l’environnement, NDLR]. Mais il faut qu’il soit cohérent. Tant que la France accordera des subventions aussi importantes à ses agriculteurs, et créera ainsi une concurrence inéquitable avec l’Afrique, je considérerai qu’elle a un talon d’Achille.

J.A./l’intelligent : Pourquoi Chirac ?

Nicolas Hulot : Parce qu’il m’a plus écouté que n’importe quel homme politique. Sensibiliser quelqu’un qui était très éloigné de mes convictions est très intéressant. Cela a aussi un effet d’entraînement sur son camp politique. Tout en obligeant ses opposants à se positionner. Je me bats pour qu’aucun parti n’ignore l’écologie.

J.A./l’intelligent : Pourquoi avoir refusé le poste de ministre ?

Nicolas Hulot : Parce que, contrairement à beaucoup de gens, je connais mon seuil de compétence…

J.A./l’intelligent : Quels endroits vous ont le plus marqué ?

Nicolas Hulot : J’aime particulièrement la Namibie, le Botswana et le Zimbabwe. L’Afrique est le continent avec lequel j’ai le plus d’affinités et que je connais le mieux. Quand je suis là-bas, je suis bien. Cela ne s’explique pas.

J.A./l’intelligent : Ne vous découragez-vous jamais ?

Nicolas Hulot : J’ai parfois l’impression de revenir des années en arrière. Regardez le Prestige, ce pétrolier qui a coulé au large des côtes de la Galice. Rien n’a changé depuis l’Erika.

J.A./l’intelligent : Vous restez tout de même optimiste ?

Nicolas Hulot : Je m’interdis d’être pessimiste, car sinon, je déposerais les armes.

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