Marche pour la liberté

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

La scène est authentique. Elle se passe dans un tribunal de Birmingham, Alabama (États-Unis). Le juge Talbot Ellis est à son bureau. Il a les cheveux gris, le regard inexpressif, la voix lente et musicale des Sudistes. En face de lui, un jeune Noir de 15 ans, Grosbeck Preer Parham, arrêté cinq jours plus tôt pour avoir participé à des manifestations en faveur de l’intégration raciale. Derrière le juge se tient la mère de l’adolescent, Mme Parham.
Le juge : Vous devez savoir, Grosbeck, que la violence dans les rues, ce n’est pas une solution. Je veux que vous rentriez chez vous et que vous retourniez à votre école. N’oubliez pas que ceux qui ont rédigé notre Constitution ont bien dit qu’il n’existait pas de liberté sans certaines réserves…
[Silence].
Le juge : êtes-vous furieux contre moi ?
Grosbeck : pourrais-je dire autre chose ?
Le juge : oui.
Grosbeck : eh bien, vous pouvez en parler, vous, de la liberté, car vous la possédez. La Constitution dit que nous sommes tous égaux. Mais les Noirs savent bien qu’ils ne le sont pas.
Le juge : mais vous autres, Noirs, vous avez fait de grands progrès. Ce sont des choses qui prennent du temps.
Grosbeck : nous avons attendu cent ans. Ne croyez-vous pas que ce soit suffisant ?
La maman : pourrais-je ajouter quelque chose ?
Le juge : oui.
La maman : Ces jeunes ne toléreront plus jamais les sévices que nous avons endurés nous. La révolte gronde dans leur coeur. Ils abandonneront tout : les études, la carrière, les divertissements. Pour eux, c’est une question de dignité. Au besoin, ils viendront par milliers, par centaines de milliers s’entasser dans les prisons.
Le juge : tout peut s’arranger avec la patience, la discussion.
Grosbeck : Quelle patience ? Quelle discussion ? Croyez-vous que c’est avec des mots que vous allez pouvoir nous apaiser ? Ces temps-là sont révolus. Les Noirs du monde entier se sont libérés. Ils ont leur propre président, leur propre Parlement. Et nous, aux États-Unis, la plus grande puissance du monde…
Le juge : Vous n’obtiendrez rien par la violence.
Grosbeck : On le prétend depuis bien longtemps, mais quel est le peuple qui a pu obtenir ses libertés sans recourir à la violence ?
La maman : Voyez-vous, nous autres parents, nous entendons toute la journée les propos de nos enfants. Mais, que voulez-vous, je les comprends. Moi-même, je souffre à longueur de journée. Seul un Noir peut savoir ce qu’est véritablement l’humiliation dans ce pays.
Le juge : Allons Grosbeck. Rentrez donc chez vous.
Grosbeck : Oui, c’est entendu, je vais rentrer. Mais je continuerai à marcher, à marcher jusqu’à ce que j’obtienne ma liberté.
Le juge : Que représente donc la liberté pour vous ?
Grosbeck : Je veux aller à l’école qui me plaît, m’asseoir sur la chaise que je choisis au cinéma. Et puis je veux qu’on cesse de m’appeler « nègre » (nigger).

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