Marabout en cavale

Condamné à l’emprisonnement pour banqueroute frauduleuse, un dignitaire mouride s’était réfugié à Touba, capitale de sa confrérie .

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Des individus jugés et condamnés à des peines de prison se promenant librement au vu et au su de tout le monde, des prisonniers évadés se réfugiant chez leur marabout, des dossiers qui tombent dans « l’oubli »… Au Sénégal comme dans beaucoup d’autres pays, l’égalité devant la justice ne renvoie pas à la même réalité pour tous. La dernière affaire en date (voir J.A.I. n° 2202) est celle Khadim Bousso, le marabout condamné pour banqueroute frauduleuse à une peine de prison ferme et au paiement de près de 2 milliards de F CFA à la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal (Bicis), filiale de la Banque nationale de Paris (BNP).
Profitant de son passage au pavillon spécial des détenus, Khadim Bousso s’est évadé, le 29 avril, de l’hôpital Le-Dantec de Dakar, bénéficiant de la complicité du garde, un disciple de la confrérie mouride, dont il est un dignitaire. Le fugitif est resté deux semaines sans être inquiété à Touba, capitale religieuse de sa confrérie, se payant le luxe d’intervenir sur les ondes des radios privées pour démentir ceux qui disaient qu’il avait été expulsé par le khalife général des Mourides.
Deux semaines durant, les manchettes des journaux ont été consacrées à cette affaire. Seul l’État s’est signalé par un mutisme gêné. Pas un mot du gouvernement sur les raisons qui empêchaient les forces de l’ordre d’aller cueillir l’évadé. Tout au plus les policiers ont-ils fait savoir qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre en ce sens. Argument que les juristes ont pris avec le sourire, faisant remarquer qu’il n’est point besoin de mandat pour arrêter un détenu en cavale. Il a fallu attendre dix jours pour que le doyen des juges d’instruction lance un mandat contre Khadim Bousso.
Cette affaire n’est pas la seule du genre. Depuis 2002, un homme d’affaires libanais du nom de Mounir Bourgi, condamné en dernière instance, vaque tranquillement à ses occupations, malgré les démarches répétées de l’avocat de la partie civile pour l’envoyer purger sa peine.
Ces dysfonctionnements de la justice ne sont pas l’apanage du nouveau pouvoir. Sous les socialistes, un promoteur immobilier véreux était allé, lui aussi, se réfugier chez son marabout, le khalife des Layènes, et ne sortit de sa planque que pour quitter le pays. Quant au fils d’un dignitaire tidjane, condamné par contumace dans l’affaire de l’assassinat de six policiers, en 1994, il avait poussé l’audace jusqu’à venir assister à un autre procès, quelques semaines après sa condamnation.

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