Carlos Quenan : « Les lendemains de fête pourraient être difficiles au Brésil »

Pas sûr que la Coupe du monde suffise à faire repartir le Brésil sur le chemin de la croissance. Les habitants, eux, ne cachent pas leur pessimisme. Carlos Quenan, professeur à l’université de Paris-3 et vice-président de l’Institut des Amériques, basé à Paris, répond aux questions de « Jeune Afrique »

Carlos Quenan est professeur à l’université de Paris-3 et vice-président de l’Institut des Amériques. DR

Carlos Quenan est professeur à l’université de Paris-3 et vice-président de l’Institut des Amériques. DR

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 13 juin 2014 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Un an après des manifestations monstres contre le coût de la vie, quel est le climat économique au Brésil ?

Carlos Quenan : Morose. Le Brésil est installé dans une croissance médiocre, de 1 % en 2012 et 2,3 % en 2013 tandis que l’inflation reste élevée, autour de 6 %. Il vit donc une « stagflation ». Le pays avait bien résisté à la crise des subprimes et avait même connu une éphémère euphorie en 2010, avec une croissance de 7,5 %. L’hebdomadaire The Economist en avait même fait sa une, avec le Christ du Corcovado en train de décoller, à l’image du Brésil !

la suite après cette publicité

Mais cette résilience était due au boom des exportations de matières premières, soutenu par l’explosion de la demande chinoise, et à la politique sociale antérieure du président Lula, qui avait nettement amélioré les salaires et la protection sociale grâce à la bolsa familia [une aide publique qui permet aux familles pauvres de doubler leurs revenus dès lors qu’elles envoient leurs enfants à l’école et les font vacciner]. La croissance était essentiellement tirée par la demande domestique.

Pourquoi ce modèle ne fonctionne-t-il plus ?

L’industrie souffre de la concurrence chinoise, car elle n’investit pas assez et la productivité n’a pas suivi la hausse des salaires. Le déficit budgétaire et le déficit de la balance courante ne sont plus supportables, au moment où les 30 millions à 40 millions de Brésiliens qui sont entrés dans la classe moyenne grâce à l’augmentation de leur niveau de vie réclament des infrastructures, un système éducatif et un système de santé plus convenables.

Lire aussi :

la suite après cette publicité

La crise de croissance des pays émergents

Daniel Chéron : « Évitons les excès constatés en Argentine ou au Brésil »

Johannesburg, pied-à-terre d’Embraer

La Coupe du monde peut-elle requinquer le pays ?

la suite après cette publicité

Pas vraiment. Certaines infrastructures construites à l’occasion du Mondial, comme les ports et les aéroports, serviront à l’ensemble du pays. L’afflux des amateurs de football peut dynamiser l’activité touristique et améliorer la balance des paiements. Mais la population redoute que les lendemains de fête soient difficiles, comme après les Jeux olympiques de Barcelone [Espagne], en 1992. Tous les sondages d’opinion traduisent ce pessimisme : le 3 juin, l’un d’eux donnait 70 % d’insatisfaits, et 60 % des réponses prédisaient que le Mondial serait une mauvaise chose pour le Brésil.

Nombreux sont les Brésiliens à penser que les milliards de dollars dépensés dans les stades auraient été mieux employés dans les transports en commun, les écoles et les hôpitaux. Ce malaise intervient dans une période préélectorale, et l’opposition a évidemment intérêt à souffler sur les braises dans la perspective de la présidentielle d’octobre. Une victoire de l’équipe nationale serait donc une bonne chose pour le gouvernement…

Propos recueillis par Alain Faujas

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires