Le pyrèthre, une culture écolo

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

En partant de Ruhengeri, préfecture du nord du pays, il faut emprunter une petite piste en terre rouge. Direction Kinigi, lieu bien connu des touristes car point de départ des excursions au pays des gorilles de montagne. Au loin, auréolés de brume, les volcans veillent. Le soleil se fraye un passage entre les crêtes. Les cultivateurs rentrent des champs, la place du village se remplit de cris. Partout, à perte de vue, des plantations de pyrèthres. Cette jolie fleur blanche appartient à la famille des chrysanthèmes. Mais c’est aussi une plante capricieuse, qui ne pousse qu’à plus de 2 400 m d’altitude. Depuis près de soixante-dix ans, elle est l’une des principales cultures de la région.
Jusqu’en 1991, c’est l’Office du pyrèthre au Rwanda, entreprise étatique, qui en exploitait la poudre pour en faire de puissants insecticides naturels. En 2000, après une pause d’une dizaine d’années marquées par la guerre et la crise au Congo voisin, l’activité a été relancée par la Société de pyrèthre du Rwanda (Sopyrwa). Un bel exemple de réussite à la rwandaise, qui a nécessité un investissement initial de 550 millions de FRW (environ 1 million d’euros), réalisé grâce au soutien de la Banque rwandaise de développement (BRD). De nouvelles semences furent importées du Kenya et d’Australie, puis distribuées gratuitement aux cultivateurs de la région. La société travaille aujourd’hui avec quelque 24 000 planteurs organisés en coopérative et répartis dans les espaces escarpés du Nord, de Ruhengeri à Gisenyi, près du lac Kivu. Si pour l’instant l’usine ne fonctionne qu’à la moitié de ses capacités à peine, elle participe d’ores et déjà à 20 % de la production mondiale d’extrait de pyréthrine, se classant juste derrière la Tasmanie, le Kenya et la Tanzanie. Même si le pyrèthre n’atteint pas les niveaux du thé ou du café – les premières exportations du pays -, il commence à trouver sa place sur le marché des produits rwandais vendus à l’étranger.
Depuis le début de la production, la Sopyrwa a exporté plus de 30 tonnes d’extrait brut, exclusivement vers les États-Unis, principal consommateur de cet insecticide naturel. L’opération de fabrication consiste à ajouter une solution d’hexane – puissant dissolvant – à la poudre de pyrèthre. Après évaporation, la pâte obtenue est envoyée en Afrique du Sud, pour raffinage. À raison de 82 dollars le kilo, les affaires de la Sopyrwa marchent bien, même si la demande fluctue, l’extrait brut n’étant produit que sur commande.
Pour limiter les problèmes de stockage, la direction de la Sopyrwa n’achète désormais aux cultivateurs que des fleurs séchées. Il en faut 25 tonnes pour produire une tonne d’extrait brut, soit cinq fois plus que de fleurs fraîches. Grâce à un financement de la BRD et de la Banque de Kigali, les paysans ont été équipés en séchoirs solaires. Une méthode révolutionnaire qui présente par ailleurs l’avantage d’être plus écologique : jusqu’à récemment, les fleurs étaient séchées dans de grands fours, gros consommateurs de bois. L’énergie solaire au service de la création d’un insecticide naturel, tout un symbole !

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires