Le blues de Tahar Ben Jelloun

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

En trente ans, depuis son premier roman, Harrouda (Le Seuil, 1973), Tahar Ben Jelloun a fait paraître plus de vingt-cinq ouvrages de tout genre, de la poésie à l’enquête sociologique en passant par le théâtre. Le dernier-né, un recueil de nouvelles, est loin d’être le moins réussi. Le lecteur pourrait être abusé par le titre – et la jaquette. Car ces vingt récits n’ont rien de bien graveleux, abordant au contraire des sujets graves : la difficulté d’aimer et de communiquer, l’incompréhension au sein du couple, le mensonge, l’amitié trahie, mais aussi la persistance des pratiques traditionnelles dans une société en pleine mutation.
C’est avec un regard très sombre que l’écrivain marocain traite des relations entre hommes et femmes, thème de la première série de récits. Les plus belles histoires semblent
comme plombées par un déterminisme qui les voue à l’échec. Le recours à la sorcellerie, dans ces conditions, relève du pur folklore. Il permet aussi aux uns et aux autres de fuir leurs responsabilités en tant qu’individus libres et rationnels.
Tahar Ben Jelloun a dû placer beaucoup de son vécu dans l’ouvrage. Le lecteur averti découvre par exemple une allusion à une affaire qui a profondément blessé l’écrivain. Il
y a trois ans, la rumeur a couru qu’il maltraitait une Marocaine séjournant chez lui. Il a été blanchi de ces soupçons, mais le mal demeure.
Le sentiment de gravité s’accentue au fil des nouvelles. « Naima et Habiba » raconte le lien très fort qui unit une jeune femme malade de la sclérose en plaques et sa domestique, elle-même handicapée. Alors qu’un autre texte, qui n’est plus de la fiction, relate un épisode curieux de la vie du dramaturge français Jean Genet, que Ben Jelloun a bien connu.
Ayant rencontré un jeune marginal dans une ruelle de la médina de Fès, l’auteur des Paravents le tira de la misère, jusqu’à lui faire construire une très belle maison. Le jeune homme périt dans un accident d’automobile peu après la mort de Genet, en 1986.

Amours sorcières, de Tahar Ben Jelloun, éditions du Seuil, 304 pp., 18 euros.

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