L’arrogance et le mépris

Dans une interview au le Premier ministre israélien balaie avec une insolente désinvolture les exigences de la Feuille de route pour la paix.

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

«Aucune administration américaine n’a jamais approuvé l’implantation de colonies juives en Judée-Samarie [c’est-à-dire en Cisjordanie], à Gaza ou sur le plateau du Golan. Néanmoins, tous les gouvernements israéliens sont allés de l’avant avec la colonisation, dans une direction ou dans une autre, soit dans une région où une solution diplomatique était possible, soit dans une région où elle ne l’était pas. Dans mon esprit, ce n’est pas un problème qui se pose aujourd’hui. »
Ce tranquille défi au gouvernement américain, Ariel Sharon vient de le lancer dans un entretien avec le Jerusalem Post : cela au moment même où le secrétaire d’État Colin Powell, qu’il venait de quitter, assurait que lors de la rencontre de George W. Bush avec le Premier ministre israélien, prévue pour le 20 mai, « la question des colonies serait abordée avec franchise, ouverture et détermination ».
Mais, ce faisant, le chef du Likoud ne défie pas seulement une administration américaine dont il souligne la complaisance avec une ironique, voire insolente désinvolture. Il balaie du même coup les pieuses exigences de la communauté internationale, formulées dans la « Feuille de route » élaborée par le Quartet des médiateurs internationaux (Nations unies, États-Unis, Union européenne et Russie) : laquelle, rappelons-le, demande le démantèlement inconditionnel des « avant-postes » illégaux installés depuis 2001 et le gel de toute colonisation, y compris celles qui se réclameraient d’une « croissance naturelle ». Ce qui permet à Sharon, décidément très en verve, de moquer Colin Powell, lors d’un déjeuner qui réunissait aussi ses principaux ministres : « Le fleuron de notre jeunesse vit dans les communautés juives. Voulez-vous que les femmes enceintes se fassent avorter pour la seule raison qu’elles y habitent ? »
Et de revenir, dans son interview au Jerusalem Post, sur une concession qu’il avait paru faire, il y a un mois, en semblant envisager l’abandon de certaines colonies, comme Shilo et Beit El, voire Ariel et Emmanuel. « Il n’en est pas question », a-t-il affirmé, faisant ainsi écho aux porte-parole les plus extrémistes des colons. Tel Era Rapoport, qui fit plusieurs années de prison pour des actions terroristes contre les Palestiniens et qui proclame aujourd’hui : « Cette terre est la nôtre, elle nous a été donnée par Dieu, point final. »
Bien mieux, si l’on ose dire – par antiphrase : il prévoit d’inclure plusieurs colonies, dont Ariel et Emmanuel, du côté israélien de la « barrière de sécurité » actuellement en construction pour mieux isoler l’État juif des populations palestiniennes. Long déjà de 12,5 kilomètres, ce mur bouleverse la vie de 12 000 Palestiniens dans quinze villages, coupant en deux les terres agricoles et rendant impossible aux habitants l’accès aux sources d’eau, aux écoles et aux lieux de travail. Quand il sera terminé, sur plus de 150 autres kilomètres, ce sont 95 000 Palestiniens, soit 4,5 % de la population de Cisjordanie, qui se trouveront entre le mur et l’ancienne « ligne verte », c’est-à-dire la frontière de 1967. Ce qu’on appelle la « communauté internationale » le tolérera-t-elle ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires