« L’Afrique a besoin de ses cadres »

Le ministre français délégué à la Coopération et à la Francophonie répond à l’ancien ambassadeur Gérard Simon sur l’emploi de cadres africains.

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Dans votre « lettre ouverte » (J.A.I. n° 2206), vous exprimez le souhait que de jeunes diplômés africains puissent prendre une part active à la politique de coopération et de développement que nous menons en faveur de leurs pays. Tel est bien l’objectif du gouvernement. Ce sont les modalités de cette participation qui méritent une discussion. À cet égard, je vous indique d’emblée que je ne pense pas que le recrutement d’un certain nombre de ces jeunes diplômés dans nos ambassades – formule que vous préconisez – soit aujourd’hui la solution la mieux adaptée au but poursuivi. Non pas principalement pour des raisons statutaires. Ni même parce que les effectifs concernés seraient de toute façon relativement modestes par rapport à l’enjeu. Mais, surtout, parce que le principe qui inspire désormais notre politique de coopération implique que les Africains eux-mêmes soient des partenaires à part entière de notre politique de développement : dans la définition de ses priorités, dans l’élaboration et la réalisation des projets. C’est pourquoi une part croissante des crédits de notre coopération est affectée au renforcement des capacités des institutions et des administrations de nos partenaires, que ce soit dans le domaine judiciaire, financier, fiscal, douanier, éducatif, policier ou militaire.
L’Afrique a besoin de ses cadres. Nous devons l’aider à les former et faire en sorte que des États mieux gérés puissent les employer et leur assurer d’abord des salaires réguliers, puis des carrières organisées. Cette démarche nous paraît à tous égards préférable au recrutement de quelques cadres locaux venant s’ajouter à nos postes diplomatiques pour gérer nos projets de développement, même si nous pratiquons néanmoins cette formule dans les services culturels, commerciaux et de la communication (et pas seulement dans les emplois subalternes, comme vous le dites).
Favoriser l’émergence de nouvelles élites africaines dans le cadre de notre partenariat pour le développement n’est pas une simple déclaration de principe : d’ores et déjà un nombre important de projets financés par notre Fonds de solidarité prioritaire sont déterminés en concertation avec les experts des États bénéficiaires et mis en oeuvre par eux. Le contrôle de leur exécution et l’évaluation de leurs résultats s’effectuent au sein de « comités de pilotage » totalement paritaires auxquels participent les cadres africains. D’autres projets, notamment ceux qui sont financés au niveau de nos postes diplomatiques sur le Fonds social de développement, associent directement les représentants de la société civile dans les pays considérés.
Chacun conviendra qu’il y a là un terrain de mise en valeur des cadres africains bien plus grand par sa démultiplication sectorielle et temporelle que le recours à une nouvelle forme d’emploi de substitution, qui aurait le même effet pervers que l’exode des cerveaux en soustrayant aux entreprises et administrations locales des personnalités de talent. Il est préférable que celles-ci travaillent avec nous plutôt que pour nous.
La coopération française s’est fixé pour objectifs d’aider au développement économique et social, de promouvoir l’État de droit et de renforcer les institutions publiques dans les pays auxquels elle s’adresse. Cela nous semble être la solution la plus efficace pour permettre aux nouvelles élites africaines de prendre la responsabilité de leur avenir. Vous observerez que cette démarche est en phase avec le mouvement qui a récemment pris naissance en Afrique en faveur d’un nouveau et véritable partenariat avec les pays donateurs et qui s’incarne dans le Nepad.
C’est ainsi que nous estimons pouvoir répondre à l’aspiration légitime des nouvelles élites africaines à participer plus directement au développement de leur continent.

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