[Édito] L’Afrique face au coronavirus : un choc politique, sociétal et culturel majeur
Le combat contre le Covid-19 est vital. Si elle n’est pas maîtrisée à temps, la pandémie pourrait induire une régression démographique sur le continent. Alors, démocraties vs monocraties : quel modèle de riposte pour l’Afrique ?
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 3 avril 2020 Lecture : 9 minutes.
La mécanique du malheur est-elle à nouveau enclenchée ? Les « millions de morts » annoncés par Bill Gates et António Guterres sur le continent africain si la pandémie du Covid-19 s’y répandait sans contraintes rappellent les prévisions apocalyptiques du même type, répétées sur toutes les tribunes au début des années 2000 par Kofi Annan et Luc Montagnier, à l’époque où le sida fauchait en Afrique un million de vies tous les dix mois.
Sauf que l’ennemi cette fois n’est pas le VIH, transmissible par voie sexuelle et contre lequel il est aisé de se protéger, mais une molécule de protéine multiforme, insidieuse et extraordinairement contagieuse. Même si quelques théories farfelues du type « le Covid n’atteint pas les Noirs » ont un moment fait florès sur les réseaux sociaux, on notera pour s’en féliciter qu’aucun Thabo Mbeki n’est monté au créneau pour les propager. Qui ne se souvient des vaticinations de l’ancien président sud-africain, assimilant la pandémie du sida à une conspiration antinataliste occidentale et niant le rôle du virus dans la transmission de la maladie ?
Une quatrième régression démographique
Dans leur immense majorité, les intellectuels et les dirigeants africains ont aujourd’hui conscience que ce combat est un combat vital. Reste à évaluer l’ampleur d’un choc viral qui, s’il n’est pas maîtrisé à temps, risque d’induire sur le continent une quatrième régression démographique après celles provoquées par la traite esclavagiste, la colonisation et le VIH.
Il n’y a plus de communauté internationale, mais une communauté humaine comme jamais auparavant. Les pays le plus rapidement atteints sur le continent sont ceux qui étaient les plus connectés (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Sénégal, Afrique du Sud, Kenya…), ceux situés dans l’angle mort de la mondialisation venant ensuite. Mais tous sont ou seront frappés, nul n’imaginant sérieusement que la poignée de pays enclavés qui, à l’heure où ces lignes sont écrites, se disent préservés de toute infection (Malawi, Soudan du Sud, Lesotho) le resteront longtemps encore.
Le rêve d’une globalisation interdépendante forcément heureuse, dont l’Afrique profiterait par ruissellement, a été mis à genoux en deux mois.
Le rêve d’une globalisation interdépendante forcément heureuse, dont l’Afrique profiterait par ruissellement, a été mis à genoux en deux mois pour laisser la place à une globalisation anxiogène. Grandes consommatrices des chaînes d’information en continu, lesquelles agissent en l’espèce comme des démultiplicateurs de crises, les élites africaines vivent au quotidien la surmédiatisation de la pandémie du Covid-19 – un statut de « star » mondiale auquel seul jusqu’ici a pu prétendre le VIH sida, le virus Ebola étant beaucoup trop « africain » pour espérer y accéder.
Un cygne noir qui n’aurait jamais dû apparaître
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